Friday, May 22, 2009

De Yves Plamont (extrait de T-B 23)

Les chiens enragés :

Un jour quelqu’un frappa à ma porte
J’allai ouvrir
Dehors, personne…

Personne ne me connaissait
Je n’avais pas d’amis ni de connaissances
J’étais seul, vivais seul, écrivais seul, dormais seul…

Aujourd’hui encore je me demande pourquoi a frappé à la porte
ce jour là ?

On ne fréquente pas la solitude et l’ostracisme
Les gens ont peur de vivre seuls
A vivre en solitaire on y prend trop vite goût
Tout comme pour les dérives de la vie, on peut mourir d’overdose
de solitude.
Ça vient un jour où il fait plus gris que d’habitude…

On oublie de respirer et on se couche sur le sofa pour faire le vide
autour de soi
C’est amusant comme le vide se nourrit du vide.
A défaut de succomber de solitude
On en viendrait presque à s’inventer une existence de débauché
mondain…

Le Beau que l’on invite pour aimanter les jolies filles et les
garçons attirants…

Et puis, on oublie
On s’oublie et quand on se réveille
On a oublié de faire le vide autour de soi
On est le vide…

Torchon inusable sur qui les invités au grand bal des hypocrites
frottent leurs godasses cirées
aux semelles garnies de merde de chien ramassée sur le trottoir
du voisin.

Monday, May 18, 2009

Paradis bancal de Brigitte Giraud

Je viens d'aller faire un tour sur le blog de Brigitte Giraud, intitulé "Paradis bancal", véritable espace personnel, en lien avec le vivant.

On y trouve des poèmes écrits à partir d'images (fixes ou vidéo). Le fait d'alterner images et textes permet évidemment de rendre le support moins opaque et plus ouvert au monde qui l'entoure.

A partir de cette alternance, vous pouvez vous livrer à un petit jeu : imaginer à chaque fois le poème ou l'image. Car bien sûr, le but n'est pas surtout d'écrire ce qui voit, mais ce qui peut se deviner. Et l'on constate que les interprétations d'une image peuvent être diverses et ne sont pas fixées par le poème. C'est une chance, par la poésie, de pouvoir réenchanter le réel à volonté, ou de trouver le petit bouton qui coince, sous le voile des apparences. D'où ce nom de "paradis bancal" qui résume bien les poèmes contenus ici. Le "bancal" peut également être tout simplement l'avant ou l'après de l'image que l'auteur s'évertue à deviner...Ou quand la subjectivité se fait objective.

Plus rarement, vous pouvez lire également quelques chroniques de poèmes. Pour aller au paradis bancal, c'est ici.

A noter qu'existe également une version de ce "Paradis bancal" sous overblog (ancienne mouture dans laquelle sont reproduits les mêmes textes, en archives) : http://paradisbancale.over-blog.com/

Friday, May 15, 2009

Incipits finissants (4)

Après avoir bien dîné avec les leaders du bureau national de la Cégette, nous voici réunis pour une deuxième moitié de congrès.
Mesdemoiselles, Mesdames, Messieurs, en cet après-midi où le soleil clair transperce de gros nuages avec une fourchette, redoutons les discours prononcés d’une voix trop monocorde.
« Les batailles menées le sont pour une société moderne, plus équitable, plus solidaire… »
…mangé avec des leaders. Bientôt, je serai un leader. Pour le moment, j’ai des gaz. Oui,
Mesdemoiselles, Mesdames, Messieurs, je serai un sacré leader. Un leader assis dans un fauteuil bas du cul à renifler la moquette.
« Ensemble, construisons par les luttes un avenir meilleur ». « Ensemble, CONSTRUISEZ par les luttes un avenir meilleur ». Un fauteuil, quoi, presque un trône dans cette solitude si paisible, loin des sales luttes de classe, avec une bouteille de whisky à portée de la main. Et les femmes à poil, où sont les femmes à poil ?
Diable ! La révolution, c’est la santé, ne rien faire, c’est la conserver. Dans mon fauteuil à roulettes, je me transporterai vers un pays où la vie est plus chère.
De l’autre côté de cette baie vitrée, avec le même confort, pour entendre toujours des discours. Tout commence par un bon repas…
Moi syndicaliste parmi les leaders, blanche fesse avec les sept mains « je souhaite qu’on mette en place un système où pas un seul d’entre VOUS ne puisse se dire : à quoi bon travailler plus que les autres puisque tout le monde y est indifférent ».
Le temps de me réveiller et de dire : Au secours ! Jetez moi dans l’eau glaciale des rêves ! Bande de salauds. Vous qui avez profité de mon handicap moteur et qui m’avez poussé avec mon fauteuil à l’intérieur de la chambre haute. J’ai même cru un instant que tous les discours étaient des discours…
P.M.

Tuesday, May 12, 2009

De Pierre Anselmet (extrait de T-B 28)

FAUTEUIL EN CUIR

Fauteuil en cuir
Appartement puant le renfermé
Pluie
Lumière faiblarde et crachotant des ombres pâles

Tristesse enfin
Ma solitude au galop dans une envie de pleurer

Je fume et pense et m'enfuis
J'ai Demande à la Poussière au fond du crâne
Sacré Fante
Toujours la bonne parole
Toujours ta main posée sur mon épaule quand je me rends compte à quel point il fait nuit
Et que je n'y peux rien
Quelques lignes et c'est soleil pour tous
Los Angeles
Grâce à toi j'ai vu Los Angeles
J'ai connu ce chien de Bandini
-homme explosif et petit grand écrivain
J'ai senti le rouge creuser les montagnes et le visage des fous
J'ai
Tout contre moi la peau noircie de Camilla
Sa démarche en plein cœur
Lèvres épaisses
Regard éprouvant
Noir
Bandini qui ne bande plus parce qu'il a peur d'elle
Parce qu'il a peur de toutes les femmes et qu'il est comme toi
Et moi
Et tous les Hommes qui ressentent le besoin de justifier l'échec
En écrivant

Friday, May 08, 2009

Un poème de Lucile Négel et en sa mémoire

ORPHEE


Il erre dans les profondeurs
à la recherche de la bien – aimée
la jeune fille aux serpents
perdue dans les vains bruits du monde
ombre parmi les ombres

Son chant s’est tu
inutile
sa harpe n’est plus d’aucun secours
dans les replis de sa mémoire
la nuit peuplée de monstres
de ses peurs d’enfant
sueurs haletantes
prison de son angoisse
murs refermés
serpent primordial
enroulé autour de son corps
étreinte lentement resserrée
broyant ses os
coupant son souffle
obscurité striée de lueurs
gouffre ouvert sous ses pieds
vertige

Il rampe dans les replis de la terre
écorchant ses mains au roc
tâtonne dans le noir
descend
toujours plus bas
des lueurs s’accrochent aux parois lisses
l’eau ruisselle
murmure
martèle
des grottes s’ouvrent
draperies blanches
roses de chair moite
dentelles
où des puits de lumière
jettent des scintillements
De la dernière
il ne voit pas la fin
la lumière pleut
de toutes parts
et naît du centre
éblouissement
où sourit l’épouse
révélée
ses yeux reflètent l’innocence
d’un être à peine né
et la sagesse des siècles
Il court vers elle
tend les mains
mais elle lui échappe
hors d’atteinte
sans paraître bouger


puis tout s’éteint
il la poursuit longtemps
l’appelle
supplie
parfois une lueur s’allume
dans l’obscurité
il court
hagard
et n’étreint que le vide


Il tombe
épuisé
ferme les yeux
il n’est plus que ténèbres
silence
désespoir


Alors
il sent sa présence
main fraîche sur son front
caresse
murmure
soupir
voix de la mère oubliée
son double
il se fige
à l’écoute
de la voix
qu’il porte en lui


En deux pas
il est dehors
dans la jeune lumière du printemps
familière
le cri des hirondelles
le spectre blanc des amandiers
au parfum de miel


Mais lui ne sera
plus jamais le même
Sa lyre s’essaie à saisir
des fragments d’éternité
reflets d’un au-delà
insaisissable
éclats de temps pétrifié
où hommes et bêtes
stupéfaits
se reconnaîtront

Incipits finissants (67)

On avait bien dit : plus jamais ça. Plus jamais ça, mais quoi ? C’est ce fantôme de l’autoritarisme, qui est de moins en moins un fantôme ...