Bon dieu ! Vivement que je sois aussi vieux que mon poézine ! Je
pourrai me consacrer à l’écriture. Comme je n’aurai plus quelques années à
vivre, que ma poésie sera en viager, je presserai les éditeurs, des gens de ma
génération, donc des êtres d’expérience, de m’éditer plutôt deux fois qu’une, ou
rien qu’une fois de plus, jusqu’à la prochaine, parce que vous voyez-vous, on
n’est pas immortel, même moi, et ça serait dommage que je sois édité à titre
posthume. Parce qu’on a beau dire, si je crois en la vie après une mort, je
préfère prendre toutes les précautions ; et bien que la vie soit un enfer,
il mieux vaut tenir un bouquin qu’une mauvaise cuite. D’ailleurs, avec un peu
de chance, à 100 ans, j’aurai publié une centaine de recueils, si je tiens le
rythme et si, évidemment, la concurrence dépérit.
Bon, c’est vrai que je serai peut-être mort avant les autres, du coup, ça
sera plus difficile d’en profiter. Bon, je reconnais également que je me battrai
pour 10 € de droits d’auteur. Pas de quoi sauter au plafond.
Et puis zut ! Être vieux aujourd’hui, je sais pas si vous l’avez déjà
observé, c’est n’avoir plus le temps de rien. Si c’est pour devenir comme ça,
il vaudrait mieux que j’envisage de bosser jusqu’à la mort. Au moins, j’aurais plus
le temps que si j’étais en retraite. Je comprends pas. Pourtant, mes aïeux
n’étaient pas pareils. Ils étaient faciles à contacter : ils passaient la
moitié de leur temps à dormir.
En fin de compte, plutôt que de séduire les éditeurs, ou d’écrire comme un
damné, c’est ça qui me plairait : dormir la moitié du temps, être décédé
au quotidien.
Ou pour dire les choses de manière plus sympa : devenir un
contemplatif et aller jusqu’à laisser tomber la poésie, comme Rimbaud, mais à
80 ans. Ça, ça aurait vraiment de la gueule ! Et justement, la fermer, ma
gueule, ne pas arracher le micro des mains des performers, ne pas donner des
conseils débiles aux jeunes, ne plus traîner mon squelette dans les marchés du
livre.
Après tout, la vieillesse, c’est fait pour être vieux, pas pour faire
semblant d’être jeunes. Fallait y penser avant. Et puis, j’avoue : j’ai
tellement écrit de poésie que je pourrais dormir en étant édité. Ça sera de la
poésie de jeune qui enfilera des habits de vieux.
P.M.
P.M.
No comments:
Post a Comment