Monday, December 05, 2022

incipits finissants (106)

 
Ah ! L’écriture ! Quelle bagarre ! En résumé : il y a tellement d’écrivains qu’il y a plus de personnes qui écrivent que de personnes qui n’écrivent pas. Le problème que les personnes qui écrivent ou n’écrivent pas ne lisent pas les autres personnes qui écrivent, sauf une : elles-mêmes. Vous me suivez ?

Qu’importe ! L’essentiel, c’est de savoir sauter sur toutes les occasions qui se présentent. Dans cet hôtel étaient exposées des peintures. S’y trouvaient également une salle commune et donc un potentiel public captif. Alors, je me suis dit : pourquoi pas moi ? Ni une, ni deux : J’offris mes services en tant que lecteur de mes œuvres, style veillée des chaumières. Vous voyez le topo ? Bon, j’aurais dû m’en douter. En dépit du sérieux de ma proposition, le patron fit une moue dubitative. Je réussis à le convaincre, cependant, de me laisser interpréter des extraits d’« Amour, sexe et condensation ». Au final, sur un public de cinq personnes, trois s’endormirent avant la fin de ma prestation qui ne dura que deux heures. C’était la fin du monde ! Je n’émergeai plus de ma chambre pendant quelques jours, quand, me baladant en ville, j’avisai que des récitals étaient donnés dans une église désaffectée.

Le dimanche d’après, cette gentille dame, qui jouait de l’harmonium, accepta d’accompagner la litanie de mes poèmes de jeunesse, extraits de « Mourir demain ». Las ! Ma poésie n’était pas assez gaie et ne contenait que des vers libres. Je m’attirais donc les reproches acides de paroissiens, au demeurant très dignes. C’était la fin du monde ! …

Je ne sortis plus de ma piaule durant trois mois. Mais le phénix renaquît de ses cendres ! Ayant repéré des poèmes géométriques dans la vitrine d’une galerie cubiste, je changeai de style : Enfin, des pros ! … Ils accueilleraient mes œuvres comme ces dernières le méritaient. Si bien que des poèmes de ma composition, en forme de triangles de signalisation, et intitulés « Panneaux d’inexistence », furent affichés dans des rectangles d’herbe. J’étais à donf. Seulement, voilà, au terme d’une performance endiablée, malgré les applaudissements polis du public, il y eut zéro ventes…C’était la fin du monde ! L’espèce humaine ne vaut pas que je m’intéresse à elle. De nouveau, quelques mois de réclusion passionnelle jusqu’au jour où, de passage devant une librairie, ce 1er septembre, j’eus la révélation du siècle : bientôt la rentrée littéraire ! Cette fois-ci, je sens que c’est la bonne !        

P.M.            

No comments:

Traction-brabant 81

Si mon poème est un loisir, il me vient illico presto quand je laisse mes pensées vagabonder. Je n’ai pas besoin de faire des efforts. Je r...