Le soleil lourd. Ton petit corps serré dans ses
frusques se meut jusqu'au frigo pour arracher ta première bière de la journée.
Ventilo flemme et clope abandonnée sur le bord de la table. La chaleur grosse,
sueur acide, insectes en pagaille qui se bousculent dans le jardin à l'ombre
des grosses courges qui gonflent. Toi qui respires et qui fumes, qui attends le
soir comme si c'était un train à prendre.
Tu écris: "Ombres de cactus frappées par le vent, hennissements de
poussière bleue. Décors en celluloïd installés en paravent (longues villes
lumières surlignées de cuivre). Interstice western dans le chant aveugle de la
parole morte."
Les
chardons se frayent un chemin dans le brouhaha incessant des mots, dans la
somme des possibles que l'alphabet nous propose. Les chardons émergent des sols
bétonnés du langage. Je les cueille, ils sont là, hantant les gouffres de
l'entre deux mots. Tout est permis, et après le mot chardon j'ouvre l'orage, je
trempe la page de liqueurs brûlantes, le bouilleur de cru frappe à ma porte et
s'en vient distiller mes visions.
« Viens
bouilleur! Viens donc et distille! Sers-moi plein crâne de ton mercure, de ta
sève visqueuse ou de ton jus noir électronique! »
Moi je me
repose, ma carte d'abonnés instinct me
donne droit à un break pour la nuit, et
si le rêve est rouge, je le monte à cru et vais trancher la toile.
[Cuivre au
galop dans les plaines mentales, des chardons plein les yeux].
"Une couleur n'est pas une
couleuvre" disent-ils. Toutes les
mâchoires serrées qui aboient et grincent dans ma tête. Une couleur n'est
certainement pas une couleuvre. Et le BLEU est posé comme une roche, et
impossible de fissurer le ciel, la mer, tout ce qui vient se frotter à lui.
Une couleur n'est pas une couleuvre? Le
noir est la nuit, il couleuvre en longs couloirs de mots jusqu'à l'instant
morsure où le bleu se déchire en haletant, épuisé. L'infection s'applique
paisiblement, sifflements et liqueurs mielleuses qui s'écoulent de la fracture.
Claquements de fouet dans le dégradé. Le noir s'enfonce onctueusement. On
relève la tête. Une couleur dans ta gorge, propagation du soir jusqu'en ton
antre crâne.
[Le chant aveugle de la parole qui meurt en
hoquets, qui tourne dans le vide des configurations possibles].
Comment on
hurle avec des mots plein la gueule? Avec des mots qui hantent jusqu'aux plus
intimes de nos songes? Comment on fait pour déconnecter leur termitière de
notre chambre/crâne?
[Ils agrippent mon cri de leurs petites mandibules acérées et le
cryptent en hiéroglyphes biscornus].
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