Thursday, August 04, 2011

De Géraldine Serbourdin (extrait de T-B 61)

Une ombre de soi vaut mieux que d’être.

Flou du souvenir, de la mémoire encombrée de nouvelles images trop animées, criardes couleurs  qui gesticulent et obstruent le retour en arrière vers mon rêve d’enfance. Le goût des mers froides et des étendues crème.
Parce qu’il n’y a pas eu d’enfance réelle.
Retour rapide. Retour impossible sinon en unissant mes mots à leurs bouches disparues. Leurs bouches distordues. Leurs bouches aux sons grossiers, aux violents désaccords, leurs lèvres rouges. Mes mots pleurés.
Tube et sang.
Portraits grimaçants.
En attente d’âme vive.
Leurs corps obscènes d’avant et décomposés aujourd’hui.
Flux d’encre qui se targue de vouloir et savoir rétablir la vérité d’une vie. Matrice qui accueille mon sang, mon souffle pour maintenir la tête hors de l’eau, pour encore écrire. Tendre vers l’oubli. Pour enfin ne plus avoir à dire.
Flamme dans la pénombre des jours ordinaires, dans le circuit quadrillé des pas de côté, dans la rue esseulée.
Frémissement du désir tapi dans le papier froissé de sa promesse à peine encore esquissée.
Faiseurs d’ange et sales races.
Mes mots d’avant.
Comment réconcilier sur la page les bris épars sur le sol carrelé, les cendres sous terre même pas dispersées dans la mer parce que la poésie n’était pas encore inventée pour rendre dignes leurs vies bancales, leurs vies de simples. Parce que les images brutes blessent si les paroles restent tues. Parce qu’abrupte est la fin quand l’histoire est arrachée, en poussière, émiettée.
Fards que sont les mots quand la peau s’affole encore, fards que sont les mots quand la peau vire à vif, parsemée de cellules mortes qui défigurent les corps. Fards épais que sont les couches de récits pour étouffer les heures de pleurs, irritées.
Flâner en soi pour écarter le danger dehors, pour que la vie s’en détourne, pour parer les coups, toujours possibles du destin, du sort.
Forfanteries vaines.
Pathétiques parlures.
Perte de temps.
Rime pauvre.
Plus rien de rouge ni les tubes ni le sang, la prose est décharnée quand vient la vague, haute, victorieuse et nombreuse, avalant ce qui te restait encore d’élan.
Une ombre de soi vaut mieux que d’être.  

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