Rien à
faire. Après une lecture d’Artaud, je me dis que la poésie qui me procure du
plaisir est irriguée par la tension. Car sans elle, je m’emmerde, je l'avoue
volontiers. En affirmant cela, je n'ignore pas que tous les lecteurs de poésie
ne partagent pas cet avis, la plupart d’entre eux évitant toute violence, même
écrite, comme la peste. Tout simplement parce que cela les fatigue et qu'ils la
trouvent néfaste.
D’ailleurs,
à y regarder de près, les poètes tendus souffrent du syndrome de l’usure
prématurée de leurs piles, d’autant plus que, pour demeurer dans un tel état,
il faut être atteint. Et ça ne peut durer très longtemps, soit parce qu’on
meurt plus vite que les autres (suicide ou maladie), soit parce que la folie et
son corollaire, la révolte, se retirent et nous laissent avec un
encéphalogramme plat.
Or, je
commence à avoir connu pas mal de ces poètes qui ne s’appellent pas Rimbaud,
mais qui m’ont fait rêver avec les premiers textes, avant de s'effacer peu à
peu. Il faut croire que comme dans le sport, tout leur jus est sorti d’eux et
qu’ils n’ont plus rien à dire, ce qui n’est pas une tragédie, en fin de compte.
La tragédie véritable serait de ne plus rien avoir à dire et de continuer
pourtant à écrire. Pensez-vous, il s'agit là d'une hypothèse d'école !
Certes,
pour durer, rien ne vaut la bonne vieille poésie pépère, qui nourrit ses
certitudes de perfections formelle et stylistique. J’en publie parfois et je
parviens même à en écrire, car il faut bien survivre et faire vivre le genre,
sauf que là ne réside pas mon bonheur profond.
Je ne
suis donc pas certain qu’il faille se féliciter d’être un poète pépère. En
effet, il n’est pas difficile de durer si l’on est toujours à côté de la
plaque. Je ne pense pas non plus qu’il faille se faire maudit pour produire de
l’énergie poétique. La tension devrait être plus un état naturel qu’une œuvre
d’art.
Le seul
truc intéressant me paraît être de se maintenir en éveil. Les exemples ne
manquent pas, pour qui sait les voir, d’individus qui n’abdiquent pas dans
leurs têtes, sans pour autant en finir avec la vie.
Sinon,
il reste l’espoir de saluer l’apparition de nouveaux météores. Car si la
tension n’est plus ici, elle se trouve quelque part ailleurs. Et tant pis pour
la personne qu’elle traverse. L’essentiel est qu’elle renaisse indéfiniment à
toutes les époques devant nos yeux de lecteurs surpris par tant d'inconfort
accepté avec tant de fraîcheur d'âme.
P.M.
1 comment:
très beau, très juste, merci ! (J. Gunzonic)
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