Sale
bête
Sale
et bestiale, la ville est sale et bestiale
mais
nous y allons pour chercher du travail.
La
masseuse assise a les jambes dans la vitrine
un
peu trop écartées. Un homme à la télé
en
devanture explique les points d’acupuncture.
Sale
et bestiale, la ville est sale et bestiale.
Aux
délices d’Espagne on danse pour personne
sur
l’écran au-dessus du bar. Ah non,
il
y a deux thaïlandaises qui dînent.
Au
refrain (sale et bestiale).
Ceux
qui entrent sont des hommes jeunes
préoccupés
par le travail : pas le moment
de
prendre femme, mieux vaut investir trois sous.
La
ville n’a rien de sale et bestial,
c’est
moi qui suis sale et bestial.
La
ville est composée de gens comme moi :
au
rez-de-chaussée, je fais la queue au MacDo ;
je
transpire sur tapis roulant à l’étage.
Sale,
bestial, c’est le thème.
Je
me prostitue sous toutes mes formes, toutes mes couleurs
principalement
sauf une, parce que c’est plus facile
de
niquer quelqu’un qui vous ressemble moins.
Je
vous comprends, moi aussi je suis sale et bestial.
Mais
nous venons à moi pour travailler, pour vendre
ce
qu’autrui veut de nous, qui est peu
car
ce qu’autrui préfère c’est niquer.
Moi
aussi.
Je
suis un homme jeune préoccupé par le travail.
Je
suis une masseuse à l’apparence thaïlandaise.
Je
suis un couple qui renonce aux délices d’Espagne.
Je
suis sale et bestial.
(Paris,
14 mars 2012)
Extrait de "Misanthropie internationale"
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