Friday, March 17, 2023

De Philippe Labaune (extrait de T-B 79)


Yeux de Sonia


Où glissent ses yeux ?

Sonia ferme la porte
Trace
Chaleur de sa main sur le métal de la poignée.

Éclairez la lampe de chevet, Sonia, s’il vous plaît.

Sonia est dans la chambre
Écrin du bustier noir
Corps flexible et frémissant.
Rondeur des fesses dans la pénombre
Sonia n’a pas de culotte.

Ne me regardez pas, Sonia, s’il vous plaît.

Sonia est assise au bord du lit
Aucun mouvement dans la douce lumière du soir
Seul le rythme de sa respiration
Tout est très calme
Elle bouge à peine.

Installez-vous au milieu du lit, Sonia, restez assise.

Tension du bras, courbure de l’épaule
Où glissent ses yeux ?
En équilibre
Entre le haut et le bas
Entre l’avant et l’arrière
Equilibre parfait et pourtant fragile
d’une perle.

Sonia, glissez la bretelle le long de votre bras, s’il vous plaît.

Ouverture sur le côté
Le flanc
Cela baille et révèle
Ne pas toucher
Un sein autour duquel le monde pivote
L’axe d’un
téton
Tout tourne
Et s’amplifie
L’univers en expansion autour de la pointe d’un sein
Le sein de Sonia

S’il vous plaît Sonia, chantonnez un air ancien et amoureux
La vie en rose
Chantonnez la vie en rose
Doucement
Timidement
Sonia
S’il vous plaît.

Sonia pose la tête dans le creux de son épaule le menton fine
pointe du visage si finement taillé
Ciselé
Les lèvres de Sonia une
ligne délicate sur le galbe de l’épaule une
possible humidité
La gorge vibre du chant hésitant retenu
La nuit remue de cette tension infime
Les plis du monde, du bustier et du corps
Je voudrais voir la pointe de votre langue,
Sonia,
S’il vous plait,
Sur votre épaule,
Votre langue
Faites la glisser
Goûtez

La langue de Sonia
Si petite
La langue de Sonia au bord de ses lèvres
La pointe de la langue de Sonia
sur le galbe de son bras
C’est presque invisible
Ne se voit pas
C’est comme si on entendait
Le chant du corps de Sonia
sous sa langue.

Sonia se donne à voir
entre tristesse et abandon
entre la joie et la peine
Une femme en équilibre
qui suspend le monde autour de son cou
C’est une liane dans le vent du soir
une madone secrète et dénudée

Où glissent vos yeux ?

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