Wednesday, August 19, 2009

Incipits finissants (79)


Il n’est plus de mondes qui ne soient pas connus de nous, les humains. Les bienfaits de l’apparence ont disparu derrière la vitrine des commerçants. Et tout ça tache l’âme de partout. On ne voit pas ce qu’il y a derrière, hormis la pauvreté. La banquise a fondu comme les mystères. L’homme est assez avide pour avoir su accrocher ses piolets aux autres coins de la terre, abimant le climat et faisant disparaître la diversité des espèces.
Du coup, je me demande à quoi ça peut servir de partir à l’autre bout de la terre, alors que nous disposons déjà de l’intégrale des zones commerciales, ceinturés que nous sommes, où que nous vivions, par de grandes chaînes d’une transparence opaque.
Donc, si c’est pour trouver des âmes aussi turbulentes que les nôtres, et qui abiment la réalité, ce n’est plus la peine.
Heureusement, il y a l’intérieur de la cervelle de ces cons d’hommes. Elle est plus belle que leur extérieur, quand ils renoncent à manœuvrer en eau trouble et qu’ils se contentent de s’enfoncer en eux-mêmes.
Cela tombe à pic : aujourd’hui, les protubérances de nos cerveaux malades suintent en permanence, grâce à la galaxie Internet. Celle-là, qui n’existe que depuis une vingtaine d’années, on n’est pas prêts de l’épuiser.
Ainsi, je pense que, s’il nous reste assez d’air, d’ici un siècle, on se penchera volontiers, sur ces cimetières des éléphants que sont les sites et blogs abandonnés, orphelins de commentaires, laissés à la jachère de l’indifférence. Mélange de mots et d’images à la richesse insoupçonnée.
Et on se dira : zut, j’ai raté cette cathédrale intérieure, sauf que maintenant je peux prendre le temps de me balader dedans, ouvrant une nouvelle porte, à chaque fois que je clique sur un mot ou sur une image, avant de tomber par les trappes d’un logiciel, puis reprenant le jeu des poupées russes, chacune des poupées ne ressemblant pas à sa grande sœur.
Même le risque de Big Brother, qui cafte combien je peux rapporter de fric à une société très privée, sera écarté. En effet, avec la poésie, il n’y a aucun danger pour qu’il y ait quelque chose à gratter. Sur Internet comme ailleurs, elle jouera le rôle d’un merveilleux éteignoir textuel.
Alors, promis juré, si j’ai du temps à tuer, au lieu d’aller suer du gasoil dans les aéroports, je pourrais visiter d’autres mondes étranges, en restant le cul assis sur ma chaise.
P.M.

No comments:

Incipits finissants (67)

On avait bien dit : plus jamais ça. Plus jamais ça, mais quoi ? C’est ce fantôme de l’autoritarisme, qui est de moins en moins un fantôme ...