Sunday, October 28, 2012

De Fleur Cormier (extrait de T-B 87)

Notes sur mon caddie Mozart.

Je suis fatiguée.
Je pousse mon caddie du bout d’un doigt.
Fatiguée.
Je l’ai à peine effleuré. Poussé avec un doigt. Pas trop fort. Je tentais une pose altière. Faisais la moue. Repartait en arrière. Mon caddie me lâchait les basques.
J’ai 44 ans. J’ai toujours un truc coincé sous l’aile. Ça appuie. Ça me pressionne. J’ai aussi un manuscrit en roue libre, mais c’est tout autre chose.
J’ai des gouttes à l’intérieur. J’ai figé mon visage en glace. Je suis une machine de guerre. Je suis insensible. Je m’avale toute crue. Ce n’est pas beau à voir.
En partant le matin, je pose mes deux-trois personnes dans le jardin. Des enfants et un amoureux. Pas bouger. Pas parler. Chut. Stop. Plantés. Attendre.
J’ai un très beau caddie. Un jour, j’ai écouté Mozart en poussant mon caddie. J’ai écouté Mozart et soudain, il s’est appelé Caddie Mozart.
J’ai un peu maquillé mon Caddie de longs scotchs rouges, jaunes, bleus. Il est ainsi un peu punk, un peu rock, un peu fête à neuneu selon les jours. Aujourd’hui, il me cherche. Me tourne autour. M’envahit. Me transperce. M’agace.
Je vais le pulvériser.
Je me passe la main dans le cou. Je suis un peu fatiguée.

J’ai finalement bouclé ma ceinture de sécurité. Je suis rentrée dans le caddie, il m’a fait une petite place. J’ai fait ma journée de travail. Je me suis endormie quelques heures. Réveillée carrelée.
Le soir j’ai récupéré des enfants mouillés, l’homme était parti. Les enfants avaient fait des racines et des gourmands. Je les ai un peu taillés pour qu’ils poussent mieux. C’est là que j’ai remarqué que mon chat avait vomi dessus.
Une journée ordinaire.

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