Sunday, September 25, 2011

D'Anne Barbusse (extrait de T-B 90)

 
à bout de rêve traverser les forêts, femmes hivernales et hautes
à moins d’éviction dernière avec des mots à court d’images il faut – très tôt -  traverser la brume blanche à moindres frais – couler le corps dans le vide -
neige et pluie mêlées de nuit
le mort est devenu fantôme - malgré l’image pendue qui parfois se fige encore  -
traverser le comble de l’hiver affaissé
avec les spectres bordés de silence
les hommes évanouis sans ciel
- que les arbres nus dessinent des crépuscules mauves après une journée de soleil cru ou
lancent leurs bras noirs vers le vide inouï
alors nous reprenons les habits lourds de quotidienneté incolore
la brume mange le village
dehors la neige a dessiné des draps blancs et fins sur les petits champs du silence
nous n’avons que voix froide
l’extrême-onction frappe les mots
nous écrivons c’est notre seule gageure - que le monde vaille écriture - avec
le viatique hivernal et les images mouillées qui pendent parmi les branches
notre seule intériorité est abstraction de paroles qu’entendent mal les hommes
alors comment marcher
de désir en désir franchir les jours courbés de pluie
soudain à huit heures chante l’invisibilité des oiseaux
mais le ciel est plus bas que le monde - la magie nous déserte - nous savons
que rallongent les jours et notre savoir lutte contre la réalité de nuit
c’est alors que montent les mots qui attendent la mi-aube pour s’ouvrir
c’est alors que nous avons des ciels empêtrés au bout de nos yeux
et que des chats furtifs traversent le jardin de brume
- je n’ai plus besoin de la sexualité fourbue pour cacher mon espoir vif - au fond
du jardin le monde respire avec la verticalité de la pluie
le brouillard tisse terre et ciel dans le non-dit
c’est demain que je parlerai ta langue
ce matin je prépare la vie donnée par l’hiver parcimonieux
c’est demain que les oiseaux auront la visibilité acquise
au bord de la route - un champ planté de cardons droits sur la terre blanchie et craquante - l’homme est mort en décembre - tombé dans la rue en allant à son
poulailler – Ardéchois et toujours en bleu de travail sur le mythe élaboré de son tracteur 
- le champ
ne bougera plus et se dressent les plantes soigneusement enveloppées à leurs pieds – qu’ajouter au paysan disparu pendant qu’en Grèce je m’absentais et que
les rues scandaient l’Europe dans l’Athènes encerclée de cortèges hurlants et d’hommes brandissant à bout de voix la grécité inénarrable de la déesse de Gortyne
- nous passons sur la route étroite au bord du champ aux mains mortes
l’hiver se courbe et nous avons des visages de lune
à la ligne de rencontre entre jardin et ciel le regard se noie à l’enterrement de la lumière
 

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