Saturday, March 13, 2021

Incipits finissants (91)

Devenir un héros ? Fallait bien qu’un jour, cette idée-là me vienne à l’esprit. Manquait plus que ça. Car en réalité, je n’aime pas trop ce terme. Cela suppose des circonstances exceptionnelles, et pour ainsi dire, une guerre, qui peut entraîner, dans les meilleurs des cas, la mort. En voilà du prétentieux, une sorte de mauvais film commercial, comme il en passe tant à la télé. Chemin tout tracé pour des larmes faciles...

Devenir un héros, c’est profondément ringard, conservateur au possible. Dans une société qui serait égalitaire, il n’y aurait pas besoin de héros. Non, franchement, ça me fout la honte plus qu’autre chose.

Et pourtant ? Je devrais peut-être passer le concours de héros. Il faut voir ce qu’on gagne à la fin. Une médaille ? Ou plutôt la paix qu’on vous fouterait, enfin ? Je n’y crois guère. Faut pas rêver, non plus ! Ça serait trop beau. Ou alors, il s’agirait d’une promotion placard.

Il n’empêche. Après des années à traîner mes guêtres, je commence à me dire que ce n’est pas quelque chose hors de ma portée. D’ailleurs, les récits dans les médias de celles et ceux qui ont connu cette destinée d’exception le montrent assez : c’est tellement naturel de devenir un héros qu’on ne s’en rend même pas compte. Et quand on réalise qu’on en est un, c’est qu’on a cessé de l’être.

Alors quoi ? Est-ce que je me la raconte, soudain ?

Non, pas tant que ça. Pour devenir un héros, il faut et il suffit… de faire son boulot. Vous m’objecterez : mais tout le monde fait son boulot. Euh non, pas vraiment. Moi, je vois beaucoup de personnes dont je ne sais toujours pas, malgré des observations répétées, ce qu’elles font de leurs journées. Et lorsqu’elles ont un boulot, je ne les vois pas beaucoup en train de trimer. On les surprend plus volontiers à casser les pieds avec la bouche à celles et ceux qui essayent d’accomplir leur mission. Tout l’opposé de l’héroïsme. Du coup, je me dis, si, devenir un héros, c’est ne faire que son boulot, j’ai sûrement de réelles chances d’y parvenir.

Certes, il s’agit encore de viser juste. Faut pas se planter. Faire son boulot peut aussi provoquer des catastrophes. Et là, soudain, la publicité n’est plus du tout la bonne.

Bref, je crois qu’il vaut mieux que j’oublie ce truc. Je m’en souviendrais bien assez vite, à l’instant où la maison brûlera. Et ce jour-là, à tous les coups, je serai le premier à m’en extraire en courant.   

P.M.                                                                                                    


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