Tuesday, March 17, 2015

Incipits finissants (92)

 
Depuis plus de trente ans que j’écris, les poèmes et le parcours de Rimbaud me sont demeurés exemplaires. Cela dit, faut pas que je devienne trop sentimental. J’en ai connu plusieurs, des Rimbaud, depuis (j’ai les noms). Le hic, c’est que notre civilisation n’est plus prête à les absorber. Rimbaud vivait au 19e siècle, et aujourd’hui, on est au 21ème. Faudrait songer à changer de disque. Si ce poète fait toujours rêver, ne rêvons plus de devenir pareil, et d’abord, parce que c’est pas drôle.

Le parcours est connu. Plein d’enthousiasme, le jeune poète envoie des poèmes scintillants à quelques petites revues, dont « Traction-brabant » peut faire partie. Et comme il y a décidemment quelque chose de fort dans ces textes, nous sommes plusieurs à percevoir en même temps que ce jeune poète a de « l’avenir ». Et d’ailleurs, l’auteur est certain de son pouvoir de séduction poétique. Il en oublie de s’abonner aux revues qui le publient, puisque, de toute façon, il ne lit pas les textes des autres participants, ceux-ci étant plus nuls que lui.
Je vous le répète. J’en ai connu plein, des Rimbaud, des autant orgueilleux et problématiques, qui n’admettent pas l’existence d’un peloton de ventres mous. Mais pour l’instant, n’allons pas trop vite en besogne. Les intéressés ne se rendent compte de rien, puisque quelques « petits éditeurs » les publient pendant deux, trois ans. Beaucoup trop en trop peu de temps, ce qui ne leur rend pas service. La fin de l’histoire, moi, je la connais déjà.

Quand ces jeunes poètes (ou moins jeunes) ont fait le tour du pâté des micro- maisons sympas qui mouillent la chemise, ils tombent sur un os. Car les éditeurs plus importants ne publient que les gens qui ont déjà un réseau (universitaire, notamment). Et soudain, nos jeunes poètes impétueux, qui n’ont que leur solitude pour les représenter, découvrent la vraie vie. Cinq ans plus leur arrivée en poésie, ils en sortent, dans l’indifférence la plus générale. Seulement, qu’ils ne se fassent pas d’illusions. On ne les rappellera pas quinze ans plus tard pour éditer leurs textes. Alors, bien sûr, le vieux Malta radote quand il dit qu’il vaut mieux s’intéresser de près à ce qu’écrivent les concurrents. Mais c’est aussi pour trouver des raisons de persévérer. Quand on aime lire la poésie des autres, on n’est pas obligé d’aimer autant la sienne. Ça tombe bien. Pour ma part, je vois déjà venir au coin de la rue une cargaison de nouveaux poètes plein d’illusions. Ils ou elles, d’ailleurs.        

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