Sunday, September 30, 2012

Traction-brabant 94

Je me demande pourquoi en 2021, on célèbre toujours autant l’Écrivain. En effet, il n’y a personne d’aussi peu attachant que lui. Un écrivain, c’est quelqu’un qui fait croire aux autres qu’il pense à eux lorsqu’il écrit. Mais rien de plus faux.
D’ailleurs, les écrivains les plus sincères, eux, reconnaissent leur statut de privilégiés, avouant qu’ils n’écrivent que trois heures par jour. Le reste de la journée, ils glandent.
Bien sûr, quand les écrivains disent ne pas pouvoir travailler toute la journée, ils n’ont pas tort. Cependant, lorsqu’ils vous racontent que leur activité est hyper prenante, qu’ils font des recherches pour leur prochain opus, voire, méditent sur leur œuvre, tout ça, c’est du cinoche.
La preuve en est que pas une seconde, ils ne rêveraient de se retrouver salariés à votre place. S’ils restent concentrés, cette activité du cerveau ne constitue, en aucun cas, une obligation de résultat mesurable par des statistiques. Quant à vous, le public, permettez-moi de vous le dire : pour l’écrivain, vous n’êtes qu’une part de droits d’auteurs.
Solidaire l’écrivain ? Depuis l’époque du communisme, les auteurs engagés sont morts et enterrés. D’ailleurs, vous les avez déjà vus se révolter contre les inégalités et autres injustices permanentes de notre temps ? Pas le moins du monde. Au minimum, on pourrait attendre d’eux une fonction sociale précise.
Les vrais pros de l’écriture sont installés dans le système de l’offre et de la demande, donc de la concurrence. Ils ne veulent pas que ça change, surtout s’ils sont perçus par le public comme étant les meilleurs.
Solidaire l’écrivain ? Solitaire oui ! Plus que jamais aujourd’hui. Solitaire et bien heureux de l’être, que personne ne vienne lui casser les pieds, tel un coupable non saisi de remords.
Hélas, pourquoi, quand on parle d’écriture, met-on toujours en avant ce personnage falot, qui met les pieds sous la table pour faire croire à l’universalité de ses nombreux doubles ?
À côté de lui, un éditeur, un imprimeur ou un libraire, qui fabriquent et diffusent les livres, sont plus vite traités de truands… par les écrivains, alors qu’ils révèlent les textes de ces mêmes écrivains au public.
Si l’on avait un minimum de maturité d’esprit, il serait temps de changer nos admirations. Au pire, on ferait mieux de célébrer des livres-objets inanimés, quitte à devenir des païens, plutôt que de vénérer celles et ceux qui ne les ont même pas fabriqués, passion stérile de groupies adolescentes pour du vent.

P.M.                                                                         

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