Monday, April 18, 2022

Incipits finissants (97)

 

Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas dit ça. Lorsque je suis retourné dans mon pays d’origine pour y donner une lecture, et que presqu’aucun autochtone n’est venu y assister, à un moment, j’ai pensé : me voilà repassé trop tard par la case bercail. Après tout, ce petit jeu proposé par la nostalgie est toujours tentant. Cela m’a rappelé d’autres regrets furtifs, lorsque je n’avais pas su saisir au bon moment l’intérêt qu’une fille pouvait me porter, ou lorsque je regrettais, en y réfléchissant, une décision prise dans ma vie professionnelle (nouvelle orientation, mutation).

Entre les occasions manquées ou les décisions irréversibles, il était réconfortant, a posteriori, et contre toute apparence, de me dire que c’était trop tard, le malaise étant dès lors plus facile à identifier.

Dans l’hypothèse inverse : si j’étais arrivé avant, à quel résultat aurais-je abouti ? Ce dernier n’aurait-il pas été  un peu le même ?

Et je me vois déjà, comme saisi par mon propre miroir, regretter d’être revenu trop tôt, comme un idiot, me reprochant de m’être fait des illusions trop vite.

Tandis que là, j’ai mis du temps à les nourrir, ces illusions. C’est moins bête.

Et de toute façon, trop tôt, ça le reste quand même. Soit parce que toutes les conditions n’étaient pas réunies pour que ça fonctionne, soit parce que je n’aurais pas été davantage prêt, encore pris dans les limbes de mes passions.

Comme si cela m’obligeait à remonter avant ma propre vie…

Alors, trop tard ou trop tôt ? Faudrait savoir, mon gars ! Tu serais pas des fois un peu compliqué dans ta tête, tu ne te situerais pas complètement à côté de la plaque ?

Tu ne crois pas plutôt que le problème est ailleurs ? Ailleurs, c’est le cas de le dire… Non seulement, il est trop tard et trop tôt, mais en plus, et le vrai hic, c’est que tu n’es pas au bon endroit pour faire ce que tu rêves de faire. Il n’y a pas que le temps qui déconne, il y a surtout l’espace.

Ce qui s’appelle avoir faux sur toutes les lignes.

Finalement, arrête-toi de rêver. Il aurait fallu que tu aies une vie différente depuis le départ. Biffe moi tout ça et attaque autre chose…comme ce n’est pas possible, reprends le chantier là où il en est resté. Il sera toujours trop tôt quand c’est déjà trop tard. L’important, c’est ce que tu n’as pas encore expérimenté, envers et contre tout, un scénario qui ne peut être écrit par avance.

Les choses, une fois périmées, peuvent tout simplement commencer à exister.

P.M.

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