Monday, March 20, 2006

Traction-brabant 99

J'ai souvent entendu ça : quand il écrit, le poète se méfie du « je » comme de la peste ! Ces précautions d’auteur ressortent lors de nombreux d’entretiens que je lis en revues depuis des années. Il s’agit aussi d’un conseil volontiers prodigué aux auteurs en herbe.

Bref, ce rejet du « je » me semble être une constante du poète pudique qui n’aime pas constater que l’égo prend toute la place dans ses vers, surtout s’il est d’un naturel discret.

Dur dur de reconnaître, en effet, que la réserve s’envole lorsque les freins de l’écriture lâchent et qu’en réalité, le moi reprend le dessus. Cet aveu sonne comme une faiblesse impardonnable.

Lorsque je relis certains de mes poèmes, le « je » m’énerve effectivement, même si ce « je » n’est pas toujours moi : Avouez-le, créer un « je » de toutes pièces, c’est le sommet de la perversité. Comme s’il n’y en avait pas déjà assez comme ça ! En voilà une méthode commode pour rentrer dans la peau d’un personnage, devenir un héros lorsqu’on n’en est pas un !

Alors, quand toute cette comédie me tape sur le système, j’ai ma combine : elle n’est pas miraculeuse ! Au lieu d’écrire « je », j’écris « il », ou bien « elle », ou bien « tu », ou bien « vous » ! Ou encore mieux, j’ai recours à la tournure impersonnelle : bref, tout ça, les poètes savent le faire.

Malgré tout, quelque chose me gêne dans cette défiance. Si j’en reviens à ces entretiens du début, lorsque l’auteur interrogé affirme ses réserves vis-à-vis du je, il dit texto : « Je me méfie du je ». Du coup, le « je » qui a disparu de la surface des mots en profite pour surgir dans la réalité.

Par conséquent, ça ne sert pas à grand-chose cette chasse à soi-même ! C’est dans la vie qu’il faudrait le fuir, le « je » !

Si l’enseigne (l’écriture) est belle, mais que l’accueil (l’humain) est nul, la révolution induite par l’écriture n’est pas énorme. À ce compte-là, pas de fausse pudeur ! Vous pouvez laisser le « je » dans vos poèmes. Plutôt que de vous prendre la tête avec ces coquetteries, posez-vous des questions sur votre humanité ! La réflexion sera plus utile ! Même si, à trop confondre œuvre et homme, cette ambition finit par être démesurée !

P.M.

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