Friday, June 21, 2024

Incipits finissants (108)

Ah les salons du livre ! On y vit tout plein d’expériences, sauf celles que l’on souhaiterait !
Comme la majorité des participants, j’étais venu pour vendre des livres. Faut dire que mes malles en sont remplies à ras bord. Donc, ça tombait plutôt pas mal. Hélas, le scénario ne se déroula pas comme prévu. Si seulement un zéro ventes résumait mon désarroi !…
Je précise à ce sujet que l’écriture, c’est ce qui arrive juste avant la mort, quand le plus important a été accompli. En résumé, l’écriture sert à sortir les anciens de chez eux. Ainsi, les livres permettent de passer illico de l’écrit à l’oral. Vous allez me dire : ce n’est pas un drame. Eh bien si, hélas ! C’est plus grave que ça en a l’air !
Dire que je n’avais pas bu ce jour-là ! Cela ne m’empêcha pas de quitter le salon totalement bourré. Le contenu apparent des bouquins situés de chaque côté de ma table fut commenté par mes voisins qui, à eux deux, totalisaient quelque deux cents années d’existence. Vous pensez qu’ils n’étaient pas très vaillants ? Oh que si, au contraire ! C’étaient de vrais bonimenteurs d’ânes ! Tour à tour, je les entendis se déguiser en aviateurs, ambassadeurs, mineurs de fond, évadés des geôles fascistes comme communistes, héros de la résistance, alpinistes, agents secrets, Sûr qu’en près d’un siècle, on a le temps d’en faire et d’en défaire ! Sauf qu’eux battaient des records de nuisances sonores. Non seulement ils avaient vu Dieu et la Vierge Marie, mais en plus ils avaient serré la paluche aux Martiens. Bien entendu, ils connaissaient des ministres et avaient trinqué avec le président de la République !
À ce train-là d’enfer, parvenu bon an mal an à la fin de la journée, je me ratatinais de plus en plus sur mon siège, ayant l’impression d’avoir raté ma vie, Bref, j’étais diminué de l’âme et du corps, et par-dessus le marché, devenais sourd des deux oreilles ! Les deux larrons m’avaient crucifié le cerveau.
La nuit suivante fut marquée par une série de cauchemars répétés. J’étais poursuivi par ces doyens de la plume qui avançaient plus vite avec leurs béquilles que les Kényans des jeux olympiques…
Quant à mes livres, je leur fis regagner l’obscurité prestissimo. À défaut de claquer le beignet aux hommes, ces derniers les avaient aidés à réintégrer la case départ.

P.M.

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C'est la fin de Traction-brabant

Tout est expliqué dans le document ci-après (cliquer sur l'image pour davantage de lisibilité) :