Tuesday, July 17, 2018

Incipits finissants (17)

Nanti de bonnes intentions, j’allai à la rencontre de personnages dont la sagesse m’avait été vantée à travers tout le pays. Le premier était un chasseur qui vivait dans un manoir fort discret. J’entrai et observai avec admiration son intérieur fastueux de couleur peau quand il se mit à parler de toutes ses guerres livrées contre le gibier. La chasse y a que ça de vrai, me dit-il dans un rot de chevreuil à s’en péter la sous-ventrière. Je pensai alors : celui-là me paraît trop imbu de lui-même pour être honnête et j’allai voir ailleurs. Le deuxième était un sage qui vivait dans une cahute en bois avec une guitare à la main. Sur un air de Brassens, il me dit, moi quand je regarde les autres passer, je me fous complètement d’eux. La paix dans l’indifférence, y a que ça de vrai. Je pensai alors, celui là a l’air de n’être parvenu qu’à vivre dans le désert et j’allai voir ailleurs. Le troisième était pétri de religion. Je fus reçu avec dignité par ce brave homme qui, tout de gris vêtu, infusa une chrétienne douceur dans mon esprit tourmenté. Pas de doute. J’entrai dans un autre monde. Mais quand je voulus lui parler de mon quotidien, il me répondit : prions Dieu avec ferveur. Je me rendis compte alors qu’il ne savait plus sortir de sa bulle et j’allai voir ailleurs. Découragé par ces rencontres, j’échouai dans un bar du centre-ville et abordai un quatrième homme. Jamais je n’aurai cru que ce vieillard décati avait quelque chose de plus à me dire que les autres. Il avait beaucoup aimé, beaucoup lu, beaucoup voyagé. Et s’il buvait trop, c’est parce qu’il n’ y avait rien de mieux à faire, qu’il était revenu de tout. Pour la première fois de mon périple, je me sentais en accord avec quelqu’un. Mais plus je le faisais parler, plus il me demandait de l’alcool. Il s’énervait en gueulant qu’il n’y avait aucune vérité qui vaille la peine d’être vécue en ce monde. Comprenant cela, je tournai mes talons, rentrai chez moi et résolus sur le champ de me faire muet. Après tout, j’en avais assez entendu comme ça. P.M.

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