Alors voilà pour être un bon écrivain c’est comme une recette dans laquelle il faut se laisser porter au début la qualité des oracles du poète du haut de la plaque le prédispose à des propos qui tombent à pic dans un murmure d’indifférence mais en y regardant bien là n’est pas encore son succès d’estime les paroles pour être admises doivent être répétées plusieurs fois après la réussite se joue ailleurs dans la qualité du silence associée à la pureté des oracles tant et si bien que leur valeur dépend de la pureté du silence un vrai silence de bonne qualité ne doit pas dépendre des idées même pour un communiste surtout libertaire l’interruption volontaire de silence force aux rapports humains non protégés il n’est même pas besoin de prétexter que l’on a une famille à torcher ou une vieille tante en viager quand on dispose d’un beau silence on n’a pas de famille la qualité du silence donne au bon écrivain les trois quarts de son intelligence face aux choses de la vie les hommes comptent pour du beurre c’est le moyen le plus sûr de couper court à toute tentative d’immixtion dans un débat où tremblerait la tolérance comme ça on peut conclure seul à seul avec ses idées qu’on les gardera toujours comme une tribu de poux dans un monde poli le silence est bien vu il est malséant de déranger les autres quand on a pas envie d’être dérangé par eux un bon écrivain ce n’est pas quelqu’un qui a une présence extraordinaire ses oracles disent le contraire c’est quelqu’un qui réussit chaque jour à être invisible le bon écrivain sait écrire une bonne fois pour toutes suffisamment bien pour ne pas être dérangé par les autres il lui faut aller le plus vite possible pour ne jamais être emmerdé on ne va pas mettre le nez dans le cambouis des abrutis qui veulent connaître de l’humain être bon auteur c’est plus qu’être un bon adulte rien à voir avec le bon père de famille qui se fait entuber à longueur de journée par les cris des mômes dit-il par duo de chèques interposés les rapports humains convergent quelque peu sans que les idées n’aient aucun rôle à jouer là dedans ce ne sont pas les mains qui signent les chèques et qui demandent d’acheter les bouquins ce n’est pas la langue c’est une conscience en dehors de l’écrivain un instinct séculaire de survivance les mots seuls entrent par intrusion le pro ne touche pas à tout ça ce sont pas ses mains qui écrivent non plus il écrit avec la bouche comme les autres handicapés comme ça il n’a pas besoin d’en rajouter après si seulement le silence ne nécessitait pas d’écrire encore pour assommer le silence pieux car le meilleur écrivain n’est rien il n’a pas de peau pas de sexe il est le néant cyberactif nul ne peut s’en approcher des fois un vrai pro prend l’air dans les foires à bouquins que si on parle des siens c’est un pro et un pro n’a que faire des crottes de chiens qui jonchent les trottoirs il n’a que faire aussi de ceux qui sont pas des pros il finit toujours par dire ses parfaits oracles il est l’impuissance mais il ne faut pas que ça se voie il n’a pas envie d’arriver tout sale à l’assemblée des sages de la langue des hommes de bonne volonté il écrit tous ses trucs pour pas qu’on le dérange dans sa bulle la poésie c’est réussi un fameux tour de passe- passe la poésie ennuie un maximum de personnes alors si l’on peut par le silence surmultiplier la valeur toute relative de ses sentences quand elles plombent un peu plus le fond des caves de papiers défraîchis alors c’est OK le pro signe un contrat d’édition exclusif avec le silence lui seul est vraiment pro
PM
PM
3 comments:
Finalement vous avez raison, la ponctuation est inutile !
michèle
Le passage sur le bon père de famille rappelle un truc de Lacan qu'on avait détourné pour un de nos textes, mais dans sa bouche à lui c'était un peu méprisant, facile, tandis que là c'est beaucoup plus sensible, moins acéré peut-être mais plus juste --- Plus "humain", on dit. Un texte qui dit quelque chose sans faire de bruit
Il y en a un semble-t-il qui est allé au bout de l'idée, Rimbaud qu'il s'appelait, ensuite il est parti faire le colon en Afrique - comme beaucoup de communards exilés en Nouvelle Calédonie - exception notable de Louise Michèle, une "sainte", elle. Bref, il a fait couler beaucoup d'encre, mais à la réflexion tout ça ce n'est pas tellement enviable. Entre les deux, je préfère Ducasse, dommage qu'il soit parti si tôt emporté par la maladie, j'aurais bien aimé le lire s'il avait pu continuer.
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