Saturday, July 09, 2005

Incipits finissants (30-31)

Il y a des signes qui ne trompent pas. Que sont devenues les petites épiceries d’autrefois où ça cancanait dur ? Pour autant, est-il possible de réduire les rapports humains à l’existence d’un simple bonjour ? Il n’empêche… Même quand ils ne sont pas à la queue leu-leu, les humains restent muets maintenant. Défense de toucher à ma vie privée de vie semblent-ils dire. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils n’ont plus de désirs tapis au milieu de leur désert. Désirs enfouis. Désir de quoi ? Désir animal que la machine se comporte gentiment avec soi. C’est la machine qui a tous les droits. La machine qui est le robinet merveilleux vers laquelle converge la source aux billets de banque.
J’ai attendu l’autre jour dix minutes que quelqu’un m’ouvre la porte vitrée de la caisse. Trop surpris de voir jusqu’à quel moment ça durerait, jusqu’à quel point l’esprit implorant de la machine était instillé en nous. A l’intérieur, il y avait des individus blancs, des noirs, des marrons, des verts. Le problème n’est pas la couleur de peau, le problème est d’avoir accès au monstrueux bipède qui contrôle la machine car de ce côté ci nous sommes tous pareils, les vieux comme les jeunes, les vieux qui font de belles leçons de morale aux jeunes, les jeunes qui les subissent mal.
Bien sûr, j’aurais voulu leur dire : « tu sais plus parler toi ? Tu vois pas qu’elle existe ma peau de noir vêtue ? » J’aurais aimé me suspendre la tête en bas devant eux, dans l’écran de la machine leur singer des grimaces, leur préparer un croche-pied, les plier comme un mouchoir et les faire rentrer de force dans la bête.
Mais devant tant de ressemblance le silence ne peut qu’engendrer le silence. Eux, moi, tous pareils en cette même absence de combat, enrayés par la grande machine des nouvelles habitudes. Le métal, ces temps-ci, a des relents de préhistoire. Bientôt on cognera du groin contre la paroi hirsute, on parviendra même à se taper entre encéphales sans sortir les mains de sa poche, pour avoir droit à sa petite renaissance.
Pour l’instant, il faut bien le reconnaître, la plupart des hommes, dans la transparence, sont des cons, en toute transparence.

P.M.

1 comment:

Anonymous said...

et les maisosn closes, que sont-elles devenues? Sous la transparence de la dentelle, les cons...

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