Thursday, December 06, 2007

Traction-brabant 48

Je vais vous faire dès à présent la théorie de l’évolution du poète.

Au premier stade, le néophyte ignore ce que valent ses poèmes. Pour avoir une réponse à sa question, il se dit qu’il va essayer de les faire publier. Le plus simple pour lui est alors de contacter certaines revues.

Fort d’un premier succès et même de plusieurs, notre poète, qui publie à présent de manière régulière, s’abonne à quelques unes de ces publications, en signe de reconnaissance, et aussi parce que la poésie des autres l’intéresse. Au besoin, il s’en inspire pour écrire ses propres poèmes.

Au deuxième stade, notre poète a su mener sa barque et s’est fait une place au soleil froid de la poésie, puisqu’une cinquantaine de revues a reçu ses poèmes et que plusieurs recueils de lui ont déjà été édités. Il a pu également tisser tout un réseau de connivences. Bref, cet humain, arrivé à l’âge mûr, et en pleine possession de son style, n’a plus besoin de s’abonner aux revues ni d’acheter d’autres recueils de poésie, car il a désormais toutes les réponses à ses questions et à vrai dire, il commence à en avoir marre de lire tous ces autres poètes qui publient en même temps que lui. C’est vrai : il y en a trop, des auteurs qui lui font de l’ombrage, enfin, pour parler actuel, de la concurrence.

Au troisième et dernier stade de cette évolution irrésistible, notre poète, est invité à tous les marchés de poésie, dans toutes les médiathèques pour y lire ses textes et y vendre ses bouquins, même jusque dans les librairies, ce qui relève de la folie furieuse. Ainsi que dans les facs, les usines et les châteaux, où il participe à plusieurs résidences d’(h)auteur. C’est sûr qu’il va pas débourser un liard pour lire de la poésie car lui, on le paye pour en écrire !

C’est plus n’importe qui. Il se situe très nettement au dessus des problèmes domestiques de la poésie. S’il se risque à faire de la théorie, c’est de préférence pour des trucs qui ne le touchent pas et dont tout le monde se fout.

C’est comme si son style devenu un peu monnayable avait rendu les autres écritures sans valeur : remarquable contradiction qui pourtant n’a pas besoin d’être résolue ???... Signe d’un mépris certain qui n’ose dire son nom ???

Ainsi, me voici parvenu au terme de ma théorie. J’avoue que ce troisième soleil est inaccessible à la plupart des poètes. J’ignore si je dois vous le souhaiter, même si pour plus d’une personne, c’est le nec plus ultra.

Avoir la possibilité de devenir un autiste. Et y croire, bon dieu ! Y croire, surtout en faisant semblant d’y croire ! Comme un homme politique, en fait. Là au moins, on ne pourra pas me reprocher d’être un idéaliste du 19e siècle !

P.M.

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