Maintes et maintes fois, on m’a reproché et on me reproche encore la
noirceur de mes poèmes. C’est vrai qu’ils sont noirs, mais beaucoup moins
qu’autrefois. Peut-être qu’un climat plus tempéré, collant mieux à la réalité
des choses, agit-il.
Cependant,
il me semble toujours essentiel de défendre la noirceur de certains textes, y
compris ceux écrits par d’autres poètes.
Voyons
plutôt comment se comportent les pros de l’écriture, dont l’importance dans la
littérature n’est plus contestée :
-
Le livre de Job : « Pourquoi ne suis-je pas mort dans le ventre de la
mère ? Pourquoi n’ai-je pas expiré au sortir de ses
entrailles ? » ;
-
Shakespeare : « Tu serais mieux dans ton tombeau qu’ici le corps en
butte à toutes les violences du ciel » (Le Roi Lear) ;
-
Rimbaud : « Le travail humain ! C’est l’explosion qui éclaire
mon abîme de temps en temps » (Une saison en enfer) ;
-
Antonin Artaud : « Je crois qu’il y a toujours quelqu’un d’autre à la
minute de la mort extrême pour vous dépouiller de notre propre vie » (Van
Gogh ou le suicidé de la société) ;
-
Louis-Ferdinand Céline : « La merde a de l’avenir. Vous verrez qu’un
jour on en fera des discours » (Voyage au bout de la nuit ?);
-
Sarah Kane : « C’est la peur qui m’éloigne des rails. Je prie
simplement pour que la mort soit bien le putain de terminus » (4.48
Psychose).
Pas
très réjouissant tout ça n’est-ce pas ? Pour trouver de l’optimisme
là-dedans, levez-vous de bonne heure ! Et encore, le manque de place
m’interdit d’en citer davantage.
Alors,
pourquoi cela semble t-il poser problème, quand Malta et ses potes donnent dans
le sombre ? Pourquoi devrions-nous amuser la galerie pendant que des pointures la
font pleurer ? Je ne peux m’empêcher de constater qu’il y a là comme qui
dirait un déni d’écriture. Quand vous passez un examen, vous en bavez. Quand
vous faites du sport, vous êtes en sueur. Et les cancers, et les suicides, les
licenciements, la pression familiale, c’est aussi la vie ça. Pourquoi la
littérature et plus particulièrement la poésie devraient-elles jouer les folies
bergères ?
Soyons
clair. La poésie a aussi pour fonction de remuer la merde, pas seulement de
donner des tapes amicales dans le dos des lecteurs, tout simplement parce qu’elle
n’est pas faite que pour ça. Et puis, cela ne m’empêche pas d’aimer l’humour, qui
peut être noir. D’ailleurs, lire des textes sombres, contre toute attente, finit
par constituer une détente comme une autre.
P.M.
No comments:
Post a Comment