LE
MÉTIER
Le
métier ne l’avait jamais vraiment enthousiasmé. Il l’exerçait un peu par
hasard, et il ne se sentait pas vraiment fait pour, même s’il faisait de son
mieux. Longtemps il s’était dit que comme tous les métiers, celui-là devait
s’apprendre, même s’il était difficile, même si l’on avait vite fait en
l’exerçant de se blesser ou de blesser les autres — et il s’était plusieurs
fois blessé, et il avait plusieurs fois blessé les autres —. Longtemps, il
avait cru qu’avec l’âge il s’adapterait, qu’avec l’âge, lui aussi finirait par
s’attacher à ce métier qu’il n’avait pas choisi, comme tous ces collègues si
appliqués, si consciencieux qu’il voyait autour de lui. Malheureusement, il
atteignait ses soixante ans et il constatait qu’il n’en était rien. Il était
toujours aussi malhabile, il se sentait toujours aussi mal adapté à la tâche
qui était la sienne.
Il
lui fallait se rendre à l’évidence. Il mourrait avant d’avoir acquis la
maîtrise du métier de vivre.
No comments:
Post a Comment