Les
mecs habillés de noir comme des gothiques sont descendus de leur auto également
noire, après en avoir coupé le moteur. Ils ont sonné à l’Interphone de
l’immeuble et sont montés au premier étage afin de tuer avec leurs Kalachnikovs
tous ses occupants, y compris ceux qui se planquaient contre les plinthes.
Puis
ils sont retournés dehors, ont gueulé dans la rue, ont claqué les portières de
leur véhicule, se sont assis dedans, ont remis le contact et sont partis,
faisant un seul dérapage en tournant au fond de la rue.
Merde
alors ! On avait oublié que c’était si facile de tuer des gens, au milieu
de tout notre trafic de gentils électrons. Vu du ciel, il s’agit juste de bipèdes
qui marchent. C’est seulement lorsque l’on descend au ras des pavés que les
choses prennent cet aspect désolé de pétrification lente et qu’il devient
logique d’admettre qu’il sera impossible de reculer sur la bande pour
reconstituer les tissus déchirés, substituer d’autres éclats de vie à ces seuls
éclats de mort. Finalement, la vie n’est pas si évidente qu’elle en a l’air.
Ensuite,
comme d’habitude, l’événement charrie son millefeuilles de paroles,
d’indignations, de traits d’humeurs, de Pater noster, d’appels, de
commentaires, de photographies, de suppositions, de répétitions, d’arrêts sur
images, de pétitions, de pleurs et de cris, de poèmes et de musiques, d’ondes
et de feuilles mortes qui finissent par constituer un bel amoncellement de
breloques et de souvenirs rouillés à déposer au plus vite au mont de piété,
voire dans la benne des recyclables, de peur de vomir trop fort ce torrent de
salivations électroniques nous éloignant un peu plus des cœurs qui battent. Et
l’on se prend à vouloir sortir de ce cauchemar généralisé, où prennent place
trop d’adultes ayant le pouvoir et dont la qualité minimale attendue d’eux
serait qu’ils la ferment : mais ce serait oublier qu’ils sont très doués pour
l’a posteriori du sinistre. Des discours, toujours des discours, encore des
discours et rien que des discours. Dans une civilisation aussi perfectionnée
que la nôtre, nous sommes traités comme des enfants ayant besoin d’un maître
omniscient qui les guide sur la voie de la stérilité des images. Et un goût de
punaise reste dans la bouche de celles et ceux qui ont en marre de toutes ces
représentations compliquées à dessein, quand il faudrait plutôt montrer comment
survivre en bataillant dur au milieu de cette tôle, pour ne pas souffrir des
sortilèges déments imposés d’en-haut, qui donnent parfois naissance à des
monstres.
P.M.
P.M.
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