Pas très rapide le gars ! Il m’a fallu attendre le 73ème
numéro de « Traction-brabant » et les 13 ans d’existence du poézine
pour me demander quelles étaient les raisons qui me poussaient à aimer la
poésie.
La question est pourtant
essentielle, surtout si l’on consacre, comme moi, à cette passion, deux heures
de ses journées.
Tout d’abord, il ne faut pas
se fier aux apparences : n’emboîtant pas le pas à tous les fans de
langage, j’affirme haut et fort que la poésie ne se résume pas à une suite de
signes alignés sur la page ou prononcés dans les airs.
Sinon, si ce n'était que ça,
il y a déjà longtemps que je me serais cassé de là pour faire autre chose de
plus concret.
Non, si j’aime la poésie,
c’est parce qu’elle alimente mon imagination, ce qui me permet de passer
par-dessus le réel. Ainsi, par les chemins tortueux de l'inspiration, la voici
qui revient me donner des idées originales d’aménagement de l'espace et du
temps.
Pourquoi ne pas donner à voir
aux autres des choses (objets, comportements) que l'on oublie de montrer en
priorité ? Pourquoi ne pas occuper le temps de façon peu ordinaire, plutôt
que d'imiter la masse bêlante ?
D’ailleurs, la poésie,
j’arrive déjà, au minimum, à la transformer en feuilles assemblées par deux
agrafes, voire en petits livres et en rencontres nombreuses, qui provoquent
elles-mêmes l'ingestion d'aliments bien réels.
De plus, si je crois en la
poésie, c’est parce que ce n’est pas une religion. Je suis libre d’imaginer
tout ce que je veux à travers ses mots. Je n'ai aucun Dieu à respecter. Je peux
tenter toutes les expérimentations possibles et imaginables dans la suite de
mes mots. La poésie, c’est mon jardin secret qui en voit de toutes les
couleurs. C’est mieux que la chimie et même que l’alchimie. Il y a peu de
chances que je fasse sauter l’immeuble où je vis avec. En plus, ça ne coûte pas
cher en matériel, la poésie. Il faut juste disposer d'un stylo et d'un papier,
ou au pire, d'une unité centrale et de courant électrique.
C’est plutôt économique !
Cette caractéristique bien réelle devrait donc constituer un argument de vente,
en ces temps de réalisme. Nous les poètes, on la pratique depuis toujours,
l'austérité !
Bref, la poésie, c’est un
gage de liberté. Pas d’obligation de résultats. Pas de coutumes à la gland ou
de statistiques à respecter, pas de grand manitou à bénir. Que sa propre tête à
opposer aux brumes du quotidien.
Alors, vous préférez encore,
après ça, des religions qui ne viennent pas de vous ?
P.M.
P.M.
1 comment:
Cher Patrice,
Quoi de plus actuel que votre éditorial ? À l’heure où certains prétendent chérir la culture française en l’opposant à celle de ses voisins et en la corsetant à une nostalgie de terroir, comme on regretterait l’époque où le rémouleur s’arrêtait sur la place du village pour aiguiser les couteaux émoussés ; à l’heure où certains, dans la voix de leur dieu, entendent l’appel au sang et au massacre ; et à l’heure où l’évocation des arts devient minime, voire accidentelle dans les discours politiques, il est indispensable de revendiquer une foi (qu’importe si le mot est chargé de spiritualité ou d’un je ne sais quoi de mystique), une dévotion incassable pour le langage poétique. Parce qu’il ne s’agenouille devant aucun totem, ne récite aucun dogme, ne tient pas de cahier des charges et ne regarde pas votre passeport. Sa seule exigence est que nous soyons libres et nus face à lui…
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