Messieurs les Écrivains, nous
connaissons votre maladie. Vous ne pouvez pas vous empêcher d’écrire et de
publier, et cela ne vous procure aucun bonheur. C’est une maladie d’autant plus
grave, que, le plus souvent, vous écrivez contre le monde. Et pendant que vous
écrivez, le monde ne change pas. Et une fois que vous contemplez votre chef
d’œuvre, votre petite vie n’a pas varié d’un iota. D’où ce typique effet
dépressif, dû au fait de n’avoir pas pu accéder à la reconnaissance, toujours
méritée de votre point de vue.
Cependant, nous avons des solutions
pour vous guérir de votre dépendance.
Tout d’abord, il y a la méthode
Rimbaud. Elle consiste à s’abrutir dans le travail pour ne plus avoir envie
d’écrire. En effet, le sujet, épuisé par les heures qu’il passe à gagner sa
vie, ne voit plus l’utilité de s’adonner à quelque chose d’aussi vain que la
littérature. À cet égard, les sales boulots prenants et mal payés ne manquent
pas. Depuis serveur jusqu’à chercheur d’or, en passant par salarié d’un centre
d’appels. Attention, cependant, de maintenir la pression sur le malade. Par
exemple, en mettant à sa disposition un téléphone portable ou une tablette, afin
d’accélérer le processus de guérison.
Si cette méthode Rimbaud enregistre de
bons résultats avec les plus jeunes, elle ne fonctionne pas avec leurs aînés,
qui, dévorés par la couenne, refusent d’avancer, surtout avec une carotte
brandie sous leur nez.
Heureusement, nous ne sommes pas
démunis. Nous avons créé la méthode de la rentrée littéraire. Nous vous
enfermons dans une pièce aveugle. Bien sûr, vous êtes privés de papier vierge
et de crayon. Le but du jeu est de lire la totalité de la production de romans
en France paraissant en septembre (équivalence poétique : tous les livres
nouvellement édités en juin sur la place Saint-Sulpice). Il y a une dimension
cannibale dans cette injonction. C’est pourquoi nous nous excusons par avance
de vous demander de lire ce que vous avez pu écrire. Bien sûr, il y a autant de
chefs d’œuvres que de nanars, sauf que les premiers ne sont pas plus connus que
les seconds. Vous disposez de tout le temps nécessaire, à condition que ces
livres soient tous lus. Sinon, le traitement ne sera pas efficace. Pour celles
et ceux qui lisent trop vite, nous pouvons vous réserver, en plus, la
production de la rentrée littéraire d’avant. À ce jour, notre réussite est
parfaite. Nos patients ont cessé d’écrire, au minimum, tout le temps qu’ils ont
lu. Et n’allez pas croire que ce retrait des écrivains a diminué le nombre de
livres publiés. À présent, ce sont des robots qui écrivent vos textes…
P.M.
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