C’est de la provocation, mais non, en fait. Car le
droit a constitué ma deuxième révélation (en 1990), après la poésie (en 1988). Et
depuis, je n’ai pas quitté ces deux domaines.
Bien entendu, le droit, c’est le français du fric, parfois
maigre, alors que la poésie, c’est le langage du pauvre, souvent riche.
Sauf que la distance entre les deux n’est peut-être
pas si grande qu’elle y paraît.
Vu de l’extérieur, et tout d’abord, pour la plupart
des personnes, le droit et la poésie sont des langues différentes du langage
commun. Ainsi, n’étant pas bon en langues vivantes, je me suis spécialisé dans
le français juridique, un patois plutôt class. Et dans la poésie, un patois
universel… à chaque poète !
De plus, dans le droit, les mots employés ont une
signification précise. Tandis qu’en poésie, on peut écrire tout ce qui passe
par la tête, grâce à l’inspiration.
Soit. Hélas, dans la vraie vie, ce n’est pas tout à
fait comme ça que les choses se passent bien avec un poème.
Il vaut mieux remettre plusieurs fois son ouvrage
sur le chantier, comme on devrait tourner sept fois la langue dans sa bouche
avant de parler. Et au bout de quelques années d’écriture, il devient facile de
sentir que l’on n’écrit pas un mot plutôt qu’un autre, y compris en poésie.
Mais la comparaison entre le droit et la poésie ne
s’arrête pas là. Ce sont deux façons d’incarner la réalité par des mots, même
s’il ne s’agit pas de réalités identiques, en apparence.
Au droit, la réalité de l’économie, traduite en
contrat. Un acte notarié, c’est peut-être tout ce qui restera de nous après la
mort. Ainsi se reconstituent les arbres généalogiques. Et la vérité des hommes s’y
trouve plus facilement contenue que dans certains poèmes.
À la poésie, la réalité d’une sensation (presque)
immédiate.
Et au deux, leur puissance d’évocation, celle du
pouvoir et de l’argent, pour le droit, celle de la liberté et de la
singularité, pour la poésie que j’aime.
Cette verticalité d’oracle peut frapper par sa
violence, comme si les mots, dans les deux cas, étaient gravés dans le marbre,
de l’entendement comme de la lucidité. Une sorte d’engagement à tenir.
En somme, deux réalités antithétiques qui
s’entrechoquent, entre les pôles desquelles mon cœur balance depuis presque
trente ans.
P.M.
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