C'est l'histoire d'un mécanicien garagiste qui, au début, avait besoin de réparer les véhicules avant de les
revendre. Il a donc acheté un atelier tout équipé. Devant, il y avait un
parking d’exposition sur lequel étaient garées les occasions du moment. Normal,
me direz-vous. Mais ça c’était avant.
Après quelques années de pratique, notre garagiste
s’est fait revendeur exclusivement. Il a d’abord fermé le garage, ayant
découvert qu’il pouvait gagner plus d’argent en sous-traitant la réparation
(plus de cambouis sur les mains) ou en ne réparant pas les bagnoles. Il garda
toutefois le parking d’exposition.
Puis notre revendeur se rendit compte qu’il pouvait
encore augmenter sa marge en supprimant le parking et ce, grâce… à
Internet !
Il n’avait plus qu’à mettre en vente les véhicules
sur Le Bon Coin et à attendre que ça morde dans son immeuble vide, qu’il revendit
ensuite.
Avec son ordinateur et son téléphone portables, le
voici connecté H24 pour les transactions, y compris quand il dort à l’hôtel, en
déplacement pour le convoyage de caisses. Il a même embauché des sbires qui
font le job à sa place, pendant qu’il reste à la maison en pyjama, dirigeant à
distance les mouvements de fonds.
Eh bien, en poésie, c’est idem, sauf que le
bénéfice c’est de la reconnaissance.
Au début, j’écrivais à la main, potassant les
traités de versification. J’ai gagné, à cette occasion, deux trois concours de
jeux floraux.
Puis j’ai laissé tomber les rimes, écrivant des
poèmes en vers libres que j’envoyais à des revues. J’ai aussi édité pas mal de
recueils de poésie, chez de petits éditeurs, sans que ce terme soit péjoratif.
C’était apparemment le bon créneau, sauf que je n’étais pas lu. Alors, il y a
eu Internet. J’ai créé mes propres blogs. Plus de frais postaux et autant de
lecteurs. D’abord, mes blogs ont été visités, puis de moins en moins, puis plus
du tout. J’ai donc laissé pousser l’herbe à l’intérieur et suis allé voir du
côté des réseaux sociaux. Facebook en tête. Et là, c’est carrément le pied.
J’ai pu mettre en ligne un poème tous les jours, sans plus jamais me servir
d’un stylo. Et au bout d’un moment, j’ai cessé d’écrire des poèmes. Depuis, je
tague et tweete tout ce qui me passe par la tête. Constipation du matin, diarrhée
du soir. Et je reçois des dizaines de like.
Mon rêve d’un public instantané
s’est réalisé. Les gens lisent ou ne lisent-ils pas ce que j’ai écrit ?
Pas grave, c’est n’importe quoi, de toute façon. Ça, c’est vous, c’est moi,
c’est nous tous, quoi !
P.M.
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