Encore deux, trois poètes et je n’aurai plus personne
à publier au Citron Gare. J’ai bientôt fini mon boulot, je vais pouvoir tout
remballer. Être en retraite à 50 ans ! Cool !
Oui, je sais, il n’y en a pas beaucoup qui peuvent
se vanter d’un tel exploit. Mais vous n’avez pas rêvé. Moi, j’ai réussi là où
tous les autres éditeurs ont échoué.
- Bon sang, tu déconnes, Malta ! Tu vas pas
nous faire croire qu’il n’y a qu’une quinzaine de poètes à éditer aujourd’hui ?
Toi qui dis qu’on est 67 Millions de poètes en France, tu te contredirais pas
des fois ?
- Oui, je sais, mais, pour moi, un très bon poète,
c’est plus qu’une personne qui écrit très bien, c’est une personne dont
l’écriture me fait frissonner de plaisir. C’est pas du tout la même chose.
C’est carrément physique, tu comprends. En même temps, si c’est mal tourné, ça
me fera rien ! Actuellement, il y en a deux trois nouveaux poètes par an qui
arrivent à produire cette impression sur moi…pendant quelques instants. Et
encore, il peut y en avoir moins !...
- Bon d’accord, on a compris. Ça en élimine déjà pas
mal, sauf que restent encore plus de 15 ou 20 poètes sur 67 millions…
- Oui c’est vrai, j’ai oublié de préciser qu’un poète que
je souhaite éditer est quelqu’un qui n’est pas déjà édité 3 ou 4 fois par an.
Comme par hasard, ce sont justement ces personnes qui sont publiées en
priorité. L’édition, pourtant, comme la potion magique, ça devrait faire de l’effet
un certain temps, sinon, c’est que ça sert à rien.
- Soit, mais on est encore loin du compte…
- Sauf que j’ai pas tout déclaré. Un poète que je
souhaite éditer, c’est quelqu’un qui est capable de continuer à être passionné
par la poésie des autres, même quand lui-même n’est pas publié… c’est quelqu’un
qui peut me citer d’autres poètes qu’il lit, qui kiffe leur style, même s’il
est pas pareil que le sien !...
- Ah, parce qu’en plus de très bien écrire, de
procurer des frissons de plaisir à Malta, de pas beaucoup publier, il faut
encore s’intéresser à ce que font les autres ! Celle-là, on me l’avait
jamais encore faite ! C’est comme de manger les plats qu’on n’a pas
cuisinés ! De rouler dans les bagnoles qu’on n’a pas vendues ! Oh là là !
Ça devient trop compliqué là ! J’arrête tout de suite la poésie ! Je
savais pas qu’il fallait l’aimer pour en écrire. Je préfère la gonflette, du
coup ! Ça va me rapporter davantage ! Pas de temps à perdre avec des
bêtises !
- Oui, finalement, t’as raison. Y a même pas 15 ou 20
personnes qui rentrent dans les critères. Au Citron Gare, on est plus sévère
que chez Gallimard !
P.M.
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