À force de prôner la parcimonie, le silence, la brièveté, bref,
l’économie dans le poème, on en vient à faire du mal à l’idée de poésie. Ben
oui, c’est vrai quoi ! Un mec qui en appelle à la surveillance du bien
écrire vous colle des caméras dans la tête et peu à peu, ça rassemble aux
centres villes d’aujourd’hui. Ainsi, faudrait se surveiller dans l’écriture comme
dans la vie normale, pas dire trop de bêtises comme si on était des enfants. Au
mieux, il y a du prof là-dedans, au pire, du flicage.
Avec un mec qui célèbre
la rigueur dans le choix de ses mots, on en arrive vite à la rigueur
économique. Faut limiter son nombre de mots et donc, pourquoi employer des gens
quand on a n’a pas besoin d’autant de monde pour bosser ? Et ça c’est la
suppression des emplois, comme on supprime les messages longs et inutiles, puisqu’on
se situe d’emblée au bord du silence. Hélas, quelqu’un qui vous répond pas
quand vous lui envoyez des poèmes, est-ce que vous pensez sérieusement qu’il
parviendra à vous convaincre du fait que son silence est synonyme de sympathie ?
Somme toute, vous
n’appartenez pas à cette bonne bande de la parcimonie. En fin de compte, vous
voilà exclus de l’élite poétique parce que bon : faut pas déconner :
vous aviez qu’à appliquer les bons préceptes… Ainsi, vous vous retrouvez
parqués comme des gamins dans le mauvais ensemble : celui des non-admis,
des refoulés, des recalés - de la bande de ceux qui se défoulent avec des images
- des inconscients, des gens imprévoyants, en quelque sorte, des naïfs et des
idiots. Ceux qui n’ont pas compris la vertu écologique des mots rares et
choisis.
En prônant la parcimonie
dans les poèmes, le silence, la brièveté, c’est finalement pas mal coller à
l’époque. C’est refonder une morale dont je croyais qu’on était heureux de
s’être débarrassés et donc correspondre à cette mode du soin hygiénique
hypocrite (pas boire, pas fumer) dont la motivation n’est pas l’amour de son
prochain, mais de faire faire des économies à la sécu, comme on ne laisse de la
place qu’aux rares élus.
Je sais ce que vous
pensez : j’exagère en liant la poésie au reste du monde. Mais d’abord, je
trouve que c’est le propre du poète, d’exagérer, justement. Et je pense que ce
truc d’économie est surtout une question d’ambiance générale.
Donc, à tout
prendre, je préfère le souffle en poésie, car, même s’il y a eu des abus de
lyrisme, celui-ci me paraît plus généreux que le vers écono(miqu)e qui finit
par modifier notre perception des choses. À moins que je ne confonde cause et
conséquence…
P.M.
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