C'est bizarre, quand je lis des poèmes traduits d'une autre langue en français, je me dis
qu’ils sont meilleurs que les poèmes de mon pays. Est-ce une illusion
d’optique ? Ça n’arrive pas toujours, bien sûr.
Cependant, la plupart du temps, les poèmes traduits
de l’allemand, de l’anglais, de l’espagnol, du suédois, du moldave, du slovène,
de l’hébreu, du chinois, de l’arabe, s’ils me paraissent moins poèmes que les
poèmes écrits en français, me semblent paradoxalement plus poétiques.
À quoi ça tient donc ? C’est difficile à
expliquer avec précision, mais j’ai tendance à les trouver, pour résumer, plus
concrets. Plus immédiats. Par exemple, quand ce sont de jeunes poètes qui sont
traduits, leurs textes sont plus sensibles à l’écologie (heureusement !)
et décrivent le monde actuel. C’est logique, me direz-vous, sauf qu’en général,
et à l’inverse, rien ne distingue l’écriture d’un jeune poète français de celle
d’un vieux poète français. Bon, je reconnais que j’exagère…
Ou bien, les pays d’où les poèmes sont traduits
sont des pays en guerre (je pense à l’Amérique latine). Et donc, ils parlent de
choses cruciales. Par conséquent, la poésie devient une question de vie ou de
mort.
Bref, quand je lis des poèmes traduits d’une
langue étrangère, j’y vois plus clair.
Tandis que les poèmes écrits en français se
caractérisent souvent par leur épure abstraite, leur description du monde
totalement intemporelle, dans laquelle aucun mot barbare ou technique n’est
admis. Il semblerait qu’ils tiennent à rester hors course par rapport à la
réalité des choses.
On dirait qu’ils ronronnent dans leur perfection
stylistique et formelle, ces poèmes, ou bien – c’est pire encore – qu’ils ne
parlent que d’eux-mêmes : la poésie, le langage, comme s’ils étaient
écrits dans un endroit où ne passent jamais de camions-bennes. Comme s’ils
ignoraient ce qu’était une grue de chantier ou une déchetterie. Sauf
exceptions, ils sont aussi très éloignés de l’oralité, des conversations du
dehors.
Du coup, je me dis qu’on devrait, nous les poètes
français, employer de temps à autre des mots comme grue, bennes, déchetterie
etc. Et puis, pour les plus ambitieux d’entre nous, écrire nos poèmes dans une
autre langue, et de préférence, tout en ne connaissant pas bien cette langue,
avant de retraduire ou de faire retraduire nos poèmes en français. Ça resterait
sûrement maladroit. Pourtant, contre toute attente, on parviendrait peut-être à
écrire quelque chose qui ne soit pas de la garniture poétique, mais qui
exprimerait un véritable état poétique.
Ça rajeunirait les cadres de l’intérieur !
P.M.
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