Saturday, October 24, 2020

Incipits finissants (88)


Désolé les puristes ! Une revue de poésie qui se créé ressemble à un bistrot qui ouvre. Et le monde de la poésie est si petit qu’une revue qui se créé ressemble à un bistrot qui ouvre dans une même ville.
Au début, tout le monde est curieux. Il s’agit de la période test. On vient voir si le patron, il est gentil. Au besoin, pour les poètes, c’est pas plus mal s’il l’est un peu trop. Les clients se pressent. Les bons et le mauvais. Tous les patrons de bistrot vous le diront : un bon client, c’est quelqu’un de discret, qui vient tous les jours à heure fixe, s’enfile trois whiskies en dix minutes et paye rubis sur ongle sa consommation avant de s’éclipser. Un mauvais client, c’est celui qui vous laisse une ardoise longue comme un rouleau de papier-toilette (« tu me mets ça sur mon compte » : il a bon dos, le compte !) et qui, en plus, casse les pieds à toute la galerie en donnant son avis sur tout, parce que lui, bien sûr, il a tout compris alors que les autres, non. J’en sais quelque chose, la poésie, je la consomme aussi !
Eh bien, ces mauvais clients, ils ne nous font pas pleurer quand ils disparaissent ! Heureusement, ça dure jamais très longtemps ! Au bout de quelques mois de fonctionnement, le patron, qui voudrait avoir un peu la paix et ne pas perdre sa clientèle, est obligé de prendre les choses à bras le corps : ainsi, le mauvais coucheur se retrouve jeté dehors manu militari.
En poésie, on est évidemment beaucoup moins des sauvages. Il n’empêche que ça revient à l’identique. Et comme la nature fait bien les choses, la chance veut que l’emmerdeur en poésie, tel l’emmerdeur alcoolique, se conduit pareil dans les autres échoppes. Du coup, tous les patrons de bistrots de la place le repèrent vite. Et nous, les patrons de bistrot, euh, non, les revuistes, sans avoir étudié pendant dix ans la psychologie, on sait reconnaître tout de suite, les yeux fermés, les quelques cas graves. De toute façon, on sait qu’on parle tous des mêmes zozos.
Vous savez : notre monde est si minuscule ! Et dire que l’on recherche juste la tranquillité. La paix des ménages, et surtout du nôtre, si vous voulez mieux ! Pas de fouille-merdes dans notre périmètre, pour que notre mission s’accomplisse dans la meilleure ambiance possible, sans pour autant donner dans la langue de bois.
Les revues de poésie, c’est comme les bistrots. D’ailleurs, on a aussi l’impression qu’elles naissent plusieurs fois. Faut faire le vide à l’intérieur, de temps en temps !

P.M.

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