Wednesday, July 29, 2020

Traction-brabant 89

Je n'aime pas trop les thèmes en poésie et les thèmes en poésie ne m’aiment pas trop. Ça ne date pas d’hier, cette histoire ! Quand j’ai commencé à écrire régulièrement, vers l’âge de vingt ans, je me suis rendu compte que j’étais un poète maudit… surtout par les thèmes !

Lorsque je m’attelais à un sujet précis, très vite, au bout de quelques vers, ça déraillait : je me mettais à parler d’autre chose et lorsque je relisais mon poème, je me rendais compte que j’avais causé d’à peu près tout, sauf de ce dont j’avais voulu causer au départ.

Ne me demandez pas le pourquoi du comment. Ça vient peut-être du fait que j’ai toujours écrit très vite, en me laissant porter, puis dépasser par mes pensées fuyant de partout.

Depuis, ces retrouvailles ratées ont pu avoir lieu avec les thèmes, à l’occasion de ma collaboration à certaines revues auxquelles j’ai participé. Mais faut pas être trop regardant sur ma fidélité de près à ces commandes. Amour aura vite fait de devenir désamour. Voyage se métamorphosera rapidos en errance. Bref, je n’ai pas vraiment changé. Étant lucide quant à cette malchance, je me suis donc dit qu’il valait mieux pas que je fasse de Traction-brabant une publication thématique. D’ailleurs, ma seule expérience dans le domaine (cf numéro 85) a tourné en queue de poisson, voire en eau de boudin : deux participants dont moi. Faut dire que le sujet que j’avais choisi était pas super ouvert, s’agissant de « repreneur, reprise ».

Bien entendu, je distingue les avantages de la revue thématique : assurer la cohésion de l’ensemble, préférer l’œuvre collective autour d’un axe fédérateur à l’addition de poèmes centrés sur leur nombril, et donc à l’arrivée, faire éclore une publication moins « gratuite », qui présente mieux, les auteurs ne se retrouvant pas par hasard en ce lieu immatériel. Sauf qu’il y a des forts en thème qui écriraient même sur une marque de WC. Ce constat pose la question de la nécessité profonde d’écrire. De quoi se demander si la poésie ne devient pas alors un jeu superficiel, comme une gymnastique du cerveau.

Et puis zut à la fin ! Est-ce que Rimbaud a écrit sur un thème en particulier ? Et puis Mallarmé, et puis Lautréamont ? Et les surréalistes ? Vous me direz si je suis fou, mais j’ai l’impression qu’ils parlent de tout à la fois dans leurs poèmes. Est-ce que le Poème, comme certains l’appellent, ne serait pas le seul média littéraire dans lequel il est possible d’enfermer un monde en une seule page ? Pourquoi vouloir le restreindre, lui qui refuse d’être mis en prison ?

Moi, je suis pour la liberté dans les poèmes, la seule qui me reste… P.M.

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