Je n'aime pas trop les thèmes en poésie et les thèmes en poésie ne m’aiment pas trop. Ça
ne date pas d’hier, cette histoire ! Quand j’ai commencé à écrire
régulièrement, vers l’âge de vingt ans, je me suis rendu compte que j’étais un
poète maudit… surtout par les thèmes !
Lorsque je m’attelais à un sujet précis, très
vite, au bout de quelques vers, ça déraillait : je me mettais à parler
d’autre chose et lorsque je relisais mon poème, je me rendais compte que
j’avais causé d’à peu près tout, sauf de ce dont j’avais voulu causer au
départ.
Ne me demandez pas le pourquoi du comment. Ça
vient peut-être du fait que j’ai toujours écrit très vite, en me laissant
porter, puis dépasser par mes pensées fuyant de partout.
Depuis, ces retrouvailles ratées ont pu avoir lieu
avec les thèmes, à l’occasion de ma collaboration à certaines revues auxquelles
j’ai participé. Mais faut pas être trop regardant sur ma fidélité de près à ces
commandes. Amour aura vite fait de devenir désamour. Voyage se métamorphosera
rapidos en errance. Bref, je n’ai pas vraiment changé. Étant lucide quant à
cette malchance, je me suis donc dit qu’il valait mieux pas que je fasse de
Traction-brabant une publication thématique. D’ailleurs, ma seule expérience
dans le domaine (cf numéro 85) a tourné en queue de poisson, voire en eau de
boudin : deux participants dont moi. Faut dire que le sujet que j’avais
choisi était pas super ouvert, s’agissant de « repreneur, reprise ».
Bien entendu, je distingue les avantages de la
revue thématique : assurer la cohésion de l’ensemble, préférer l’œuvre
collective autour d’un axe fédérateur à l’addition de poèmes centrés sur leur
nombril, et donc à l’arrivée, faire éclore une publication moins
« gratuite », qui présente mieux, les auteurs ne se retrouvant pas
par hasard en ce lieu immatériel. Sauf qu’il y a des forts en thème qui écriraient
même sur une marque de WC. Ce constat pose la question de la nécessité profonde
d’écrire. De quoi se demander si la poésie ne devient pas alors un jeu superficiel,
comme une gymnastique du cerveau.
Et puis zut à la fin ! Est-ce que Rimbaud a
écrit sur un thème en particulier ? Et puis Mallarmé, et puis Lautréamont ?
Et les surréalistes ? Vous me direz si je suis fou, mais j’ai l’impression
qu’ils parlent de tout à la fois dans leurs poèmes. Est-ce que le Poème, comme
certains l’appellent, ne serait pas le seul média littéraire dans lequel il est
possible d’enfermer un monde en une seule page ? Pourquoi vouloir le
restreindre, lui qui refuse d’être mis en prison ?
Moi, je suis pour la liberté dans les poèmes, la seule qui me reste… P.M.
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