Cette idée lumineuse nous pendait au nez. Voilà t-y pas que les intellectuels de la haute et autres business men voudraient que
Rimbaud soit enterré au Panthéon en compagnie de Verlaine. Bon, s’il aboutit,
ce changement de sépulture n’empêchera pas la terre de continuer à tourner.
Depuis le temps qu’il y a des catastrophes plus graves, y compris dans la
sphère intellectuelle – par exemple, la mise en péril de la liberté
d’expression pour les enfants de Charlie Hebdo – cette panthéonisation ne constituerait
qu’une récupération de plus. Néanmoins, elle est révélatrice du gouffre qui
sépare la bien-pensance parisienne des poètes de terrain que nous sommes.
Si mettre Rimbaud au
Panthéon est un symbole de lutte contre l’homosexualité, nous ne pouvons nous
empêcher de penser que cette manière de réduire la révolte de Rimbaud à un
épisode de sa vie (liaison avec Verlaine), montre que ces intellectuels de
chambre – c’est le cas de le dire - passent à côté du plus important, en
voulant à tout prix sortir quelques poussières de leur continuelle tristesse.
Car notre poète est
plus provincial et plus populaire que ça. Et ses contradictions d’homme
contribuent à son aura. À côté de ça, l’ombre impressionnante du Panthéon est
celle de l’ordre établi auquel le poète s’est dérobé, en partant à l’autre bout
du monde pour vendre des peaux. La preuve en est que Rimbaud est demeuré un anarchiste
en même temps qu’il est devenu un homais.
Ainsi, le petit cimetière
étriqué de Charleville lui ressemble mieux que tous les beaux palais du monde.
Car libre soit cette infortune, et nul n’échappe à son destin, malgré les
apparences. Or, ce qui nous intéresse, c’est que Rimbaud, avec sa jambe coupée,
partage notre misère d’êtres ordinaires. Quand nous peinons à accéder en plein
vent au bout de ce monde qu’est sa dernière demeure, nous y sommes à fond, dans
sa vérité.
De ça, nous ne
voudrions pas être privés. En effet, le parcours du marcheur aux semelles de
vent est moins consensuel que son homosexualité : thématique censée mettre
au contraire à peu près tout le monde d’accord.
À cet égard, mieux
vaut toujours en revenir à l’écriture survoltée de Rimbaud, dont la vitesse de
pensée, la richesse des images, l’amour de la sauvagerie et de l’aventure ne
sont pas encore digérées aujourd’hui : la preuve en est !
Oui, quand on voit à quoi ces intellectuels de haut vol ramènent la vie du poète, la superficialité de leurs pensées, dont en plus ils se vantent, est à pleurer de rage… ou de pitié !
P.M.
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