Morphologie de la décrépitude
2 – La sérotonine
je vois mes veines au travers de ma peau je vois tout ce
qui se passe quand il ne se passe rien quelle chimère quel prodige quel chaos
mais qui suis-je la peau est une barrière magnifique qui cache la bile le
liquide cérébrospinal la lymphe le suc pancréatique la synovie le sang la sueur
les chassies (l'omelette) et qui permet de croire à l'amour et qui permet
d'inventer Dieu sous un scalpel il n'y a que du jambon des rillettes et des
tripes en sauce je remplis des verres je remplis des heures des cendriers
pleins de mégots des poumons pleins de monoxyde de carbone des calendriers
pleins de croix mais tout est toujours vide je suis un être de tryptophane
(l'omelette) qui décide de ce qui est bien de ce qui est mal ou ni l'un ni
l'autre qu'est-ce qu'un bon choix y en a-t-il de condamnables de respectables
quelqu'un a-t-il déjà trouvé une porte de sortie à cette familiarité de tous
les jours et qui suis-je et serais-je le même un bras en moins serais-je le
même si mes yeux étaient plus clairs si ma peau l'était aussi serais-je le même
si j'étais né à Hitiaa O Te Ra à Oulan Bator ou à Kensington (l'omelette) ce
que la bouche appelle oubli le corps l'appelle mémoire on fait la bouffe on bat
les œufs l'univers a quinze milliards d'années on met du poivre et des oignons
et parfois quelques herbes dans l'omelette l'univers en a encore pour dix
milliards d'années et dans tout ça et dans tout ça où est-ce que je range
est-ce que je range ton sourire et tes yeux bleus et les draps froissés de toi
(mon cerveau est un ciel biscuité)
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