Voilà où j’en suis aujourd’hui, dans
l’écriture. Je rêve de laisser quelques paroles définitives, comme si elles
étaient sculptées dans la pierre. Et de ne plus jamais y revenir. Vous
remarquerez qu’à ce propos, j’utilise le terme de paroles, et non de poèmes, et
encore moins de mots.
Or, les paroles, il n’y a rien de plus
volatil. En même temps, elles s’incarnent bien mieux que dans de vulgaires
écritures, que l’on assimile vite à des papattes de mouches, invisibles du
commun des mortels ; Et on n’a pas tort de les considérer comme
telles !
Vouloir graver un seul poème définitif,
je le sais, est très prétentieux. Hélas, c’est comme ça que la poésie me fait
encore rêver, y compris quand ce n’est pas moi qui l’écris.
Ainsi, il y a pas mal de paroles
sculptées dans les œuvres de Rimbaud, Artaud, Mallarmé ou Voronca.
Pourtant, la réalité ne correspond pas
à ce rêve. Je dirai même que l’on s’en éloigne de jour en jour. Des poèmes, on
en chie toutes et tous des kilomètres et il n’y a rien de plus facile à faire pour
qui sait s’y prendre. N’importe quel benêt, moi le premier, y arrive. Et bien
sûr, même quand ça en vaudrait la peine, personne ne s’en souvient, d’ailleurs,
personne ne prend plus la peine d’apprendre les poèmes par cœur.
C’est dommage. En effet, le temps que
nous passerions à nos récitations, nous écririons moins. Et nous rêverions plus
nos poèmes, leurs images s’élevant devant nos yeux surpris de découvrir un ersatz
de vie produit par nous-mêmes.
Mais peut-être que justement, c’est le
passé l’avenir. Il faudrait nous ôter nos claviers imaginaires et nos Bics trop
légers, puis nous imposer un marteau et un burin pour nous soulager. On s’y
reprendrait à deux fois, certes, avant d’écrire des bêtises.
Bien
entendu, de nouvelles carrières, autres que poétiques, seraient ouvertes. Et
connaissant la nature humaine, des quotas de menhirs seraient créés. On
voyagerait avec, pour aller aux salons de la pierre, d’où une logistique plutôt
encombrante. Beaucoup de personnes se demanderaient pourquoi on s’embête autant
avec ça, les poètes confirmant leur réputation de gens pas très pratiques. Bien
fait pour eux.
Oui, rêver d’un poème unique marqué au fer rouge, qui remue par hasard les consciences, ça a quand même de la gueule, non ?
P.M.
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