Ainsi,
de la vente à l’achat, je tiens mon incipit finissant : à peine parvenu en
fin de circuit, il me faut repartir au début, n’en déplaise à ces quelques
hauteurs revendicatifs, dont les propos me laissent craindre, hélas, qu’ils se
croient seuls au monde, comme à leur habitude.
Mais
rompons avec ces considérations trop réalistes et laissons-nous emporter par le
rêve.
Il
était un Prince, à l’esprit fortement dérangé, mais qui avait beaucoup d’argent
et dont la meilleure lubie consista à acheter toutes les poésies.
C’était
un collectionneur, pas un lecteur. Il aimait les livres en tant qu’objets
indéchiffrables. D’où son dévolu jeté sur les recueils de poèmes. Alors qu’il
aurait pu garder son gigantesque butin pour lui, notre prince voulut que le
public l’aperçoive de derrière une vitre…
Au
passage, le Prince n’aspirait pas à revendre sa collection, se fichant de toute
marge, car il était la marge parfaite qui n’a plus besoin qu’on lui dise
qu’elle était dans la marge.
Personne
n’a jamais su si tous les poèmes trônaient dans cet énorme centre commercial
sans clients. Qu’importe : malgré leurs dimensions réduites, ils prenaient
déjà beaucoup de place.
De
toute façon, le Prince ne s’effarouchait pas plus que ça de l’absence de visiteurs
dans son espace, qu’il avait qualifié de commercial par ironie.
Un
jour, cependant, il lut une page de de l’une de ces œuvres, qu’il trouva magnifique
et plaça sur un présentoir, au centre du centre. Hélas, les mots ne se
détachaient pas assez du reste. Le maître des lieux exporta donc ces quelques
vers dans un fichier afin de les projeter sur grand écran. À chaque pièce sa
télé et son poème. Le Prince n’avait plus qu’à faire tourner les volumes
multicolores. Malgré tout, ces scènes simultanées manquaient encore de vie. Alors,
le Prince enregistra des fragments de textes qu’il diffusa dans des enceintes.
Peu importe que les sons produits par les mots étaient recouverts les uns par les autres. Désormais, le tableau était complet. La poésie avait trouvé son serviteur exclusif.
P.M.
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