Le poète Pierre Reverdy (1889-1960) déplorait - paraît-il – qu’il y avait trop peu de poètes bons critiques. Eh bien, moi, je prétends qu’il y a trop peu de poètes critiques tout court.
Alors, bien sûr, si Reverdy pouvait lire mes chroniques, il penserait qu’elles ressemblent à un « blockbuster », tellement elles lui paraîtraient simplistes.
En plus, j’imite mes collègues : quand j’évoque un recueil de poèmes,
c’est pour en dire du bien. Ce n’est pas ça, une critique ! Hélas,
pourquoi descendrais-je un livre vendu à 150 exemplaires ? Ça n’en vaut
pas la peine. L’indifférence de la plupart y pourvoit avec efficacité.
En tout cas, je m’étonne que les poètes ne recensent pas davantage les
recueils de poésie de leurs coreligionnaires, car cela me semble être dans
leurs cordes. Quelques-uns, que je salue au passage, le font d’ailleurs avec
brio.
Cependant, je persiste et signe. À lire une majorité d’auteurs qui sont des
virtuoses du vers, je me demande comment ces derniers ne parviennent pas à
démonter d’autres mécaniques d’écriture que la leur. Tant d’astuce déployée
envers eux-mêmes devrait être mise au service de leurs pairs ! Sauf qu’on
dirait qu’ils ne pensent rien du tout des autres œuvres, comme si on leur avait
vidé entre-temps le cerveau. Étrange, voire surnaturel…
Ou bien, pour réussir un article, un bagage spécial est nécessaire.
Convient-il de donner dans l’analyse universitaire, à défaut d’être
universelle ?
À mes yeux, parler d’un livre revient à décrire l’effet qu’il produit sur
moi. Pas besoin de chercher midi à quatorze heures, sinon, le lecteur n’y
comprend plus rien, même si ça en jette un maximum. Il suffit d’être sensible.
Or n’importe quel poète l’est, non ?
En fin de compte, certains auteurs m’avouent qu’ils n’apprécient guère la
poésie de leurs contemporains.
Ainsi, la véritable question est : s‘aiment-ils ou aiment-ils la poésie ? Si la première réponse est la bonne, je leur conseillerais de se consacrer plutôt à la politique, qui leur rapportera davantage de bénéfices. À moins que la politique existe aussi en poésie ?…
P.M.
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