Wednesday, June 07, 2023

Incipits finissants (103)

La planète brûle. L’eau commence à manquer. Nous souffrons de la chaleur. Le prix des matières premières augmente. Vite, il faut faire quelque chose, apprendre à vivre autrement, moins consommer, retrouver le goût de la simplicité, protéger la nature.

Tiens, c’est une bonne idée, ça. Moi, j’en veux bien, de la simplicité. Sauf qu’elle ne nous hante guère. C’est plutôt l’inverse. Faut admettre que la vie en ville a toujours été très compliquée. Je pense que ça découle des tonnes d’immeubles emboîtés les uns dans les autres. Ainsi, nos idées ne sont pas très claires. Elles se touchent pareil et provoquent des courts-circuits, si bien qu’on ne s’y retrouve plus avec nos pensées.

D’ailleurs, il n’y a pas que les immeubles qui se collent, il y a aussi les bagnoles. Qui a dit que les choses avaient changé ? Je n’en ai jamais vu autant que ces derniers temps. Si l’écologie infuse, c’est dans les pots d’échappement. Bien entendu, il existe de plus en plus de voitures électriques qui ne font pas beaucoup de bruit. Hélas, elles prennent autant de place que les autres autos. Ce qu’il ne faut pas faire pour chercher son salaire ! Et les pauvres vélos se sentent isolés au milieu de ces océans de tôle. Quant à nos écrans, ils sont bourrés de publicités ! On n’en sort, pas, de l’abondance.

Du coup, les alentours n’ont guère évolué depuis qu’on s’intéresse de nouveau à la nature. Et d’abord, je ne vois pas très bien ce que cette dernière vient faire dans ma vie. C’est pas grâce à elle que je vais la gagner ma croûte, moi ! Et encore, je suis pas contraint de parcourir des kilomètres pour me rendre à mon travail, comme celles et ceux qui vivent… à la campagne !

Bref, on n’y sera pas de sitôt, dans un monde plus respectueux de l’environnement. En fin de compte, est-ce que ça nous donne seulement envie ? À moins de me retrouver aussi nu que dans un jardin d’Éden, je ne distingue pas de solution à nos problèmes dans cette direction. En plus, à quoi me servirait le peu de fric que j’ai gagné s’il s’agit de n’acheter rien ? Il faut absolument que je puisse le dépenser dans des trucs qui ne ressemblent pas à la nature, sinon ça n’en vaut pas la peine. Heureusement : il y a les investissements durables ! Grâce à eux, notre avenir promet donc d’être aussi bondé que notre présent, rempli de trucs qui nous sépareront de nous-mêmes comme avant.

Si malgré tout on veut atteindre direct la simplicité, sans doute faudra-t-il en passer par quelques désastres très violents, au sein d’une nature en cendres.        
 
P.M.

No comments:

Incipits finissants (67)

On avait bien dit : plus jamais ça. Plus jamais ça, mais quoi ? C’est ce fantôme de l’autoritarisme, qui est de moins en moins un fantôme ...