Je comprends pas les poètes qui se plaignent qu’on ne
sait pas qu’ils existent et puis, partant de là, qu’on n’achète pas assez leurs
œuvres.
Pas moi, au
contraire ! Qu’est-ce que je suis content depuis que j’ai intégré ce
créneau ! C’est merveilleux, ça n’intéresse personne autour de moi !
Du coup, quelle tranquillité ! Pas de concurrence immédiate. Et aucune
obligation de résultat. Je peux écrire un poème foireux : personne pour
s’en rendre compte. C’est même beaucoup mieux que de pondre des textes géniaux
que nul ne lira ! Une telle perspective me rendrait malade !
D’ailleurs, si j’arrête la
poésie du jour au lendemain, eh bien… j’arrête la poésie du jour au lendemain.
Mon éditeur ne me menace de rien. Et lorsque je publie un livre, c’est à peu de
choses près pareil. Trente-cinq ans que ça dure !
Tandis que si je m’étais
lancé dans l’immobilier, la bagnole, le bricolage ou la cuisine, je n’aurais
pas pu mettre le nez dehors sans qu’on me pose une tonne de questions. Grâce à
mes poèmes, je suis parfaitement peinard. Merci à eux !
Pire encore : si
j’étais devenu un pro du football ou du cinéma, je vous dis pas la pression
subie. J’aurais été obligé de surveiller la moindre de mes déclarations
publiques. Psychologiquement, il faut bien l’avouer, je n’aurais pu gérer le
succès. Trop fragile ! Tandis que là, rien à déclarer. Qu’est-ce que c’est
cool ! Exactement ce qu’il me fallait !
Je comprends pas les
poètes. Ils souhaitent qu’on leur fiche la paix et en même temps, ils adoreraient
qu’on les aime. Mais faudrait voir à choisir entre ces deux incompatibilités.
Ou alors, c’est comme vouloir le beurre, l’argent du beurre et la crémière
par-dessus le marché !
Allez poètes ! Mesurez
plutôt votre chance à la quantité d’emmerdements auxquels vous échappez !
La poésie, voilà le meilleur choix de toute une vie pour qui veut passer sous
les radars.
Et mon petit nez me dit que
ça ne changera pas de sitôt. Même si la révolution débarque : on n’aura
plus besoin de nous, les poètes !
Nous sommes hyper-protégés
par l’indifférence, alors de quoi se plaint-on ? Cette forme de liberté
est la seule à perdurer dans notre société.
P.M.
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