Wednesday, March 23, 2016

Incipits finissants (107)

J’aime avoir beaucoup écrit pour une raison toute simple : ne plus me souvenir de mes poèmes. Il y a trente-cinq ans, ça n’aurait pas été pareil. Je me serais repassé le même disque, faute de mieux ! Tandis qu’à présent, mon problème est résolu. Faut que ça serve à quelque chose de pratiquer un sport identique durant des années !

À ce propos, quelle mémoire pourrait stocker ces tonnes de mots ?! Bien entendu, je préférerais les connaître par cœur ! Mais pas possible, en plus de n’avoir pas les minutes disponibles pour m’y atteler.

Alors, je me console en relisant parfois mes anciens textes. Pendant ce temps-là, je n’écris pas. Toujours ça de gagné ! Et là, surprise !

Je n’arrive plus à me rappeler ce poème que j’ai écrit il y a juste cinq ans ! Trop génial ! Comme si je lisais vu du ciel ! En effet, plus les mots sont lointains, plus ça fonctionne ! C’est du moins l’impression que cela me procure. Un peu de plus et mes vers auraient été écrits par quelqu’un d’autre. Je ne comprends pas les auteurs qui paraissent s’aimer tout le temps tels qu’ils sont. Moi je préfère m’aimer quand ce n’est pas moi.

Dans ce cas, un tel langage passe pour plus habile et souple, semblant avoir été largué à fond la caisse par quelqu’un de très jeune. Comme si leur auteur ne s’était pas attardé dessus, que ces poèmes étaient susceptibles d’appartenir à tous, qu’ils étaient neufs.

L’effet produit est encore meilleur lorsque les textes en question ont été publiés. Dans une telle hypothèse, il n’y a aucune trace d’écriture manuscrite, Et ce livre, je ne m’en souviens pas davantage, tellement mes pensées ont passé depuis sa publication. J’aurais presque les moyens de le réécrire en partant d’un point identique pour me diriger vers autre chose.

Je plains les auteurs vite rassasiés, une fois ce constat effectué. Ils oublient la chance qu’ils ont eu d’avoir été publiés, ce qui ne leur sert à rien, puisque leur soif de reconnaissance ne peut être comblée.

Pour ma part, découvrir un poème déjà publié équivaut à de nouveau exister, Plaisir gratuit ! Illusion totale ! Tant que l’imagination vole plus loin que les mots, cela me suffit…

P.M.

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