Cela
faisait longtemps que je désirais visiter le musée Rimbaud. J’y allai un jour
qui pourrait figurer parmi les quatre saisons de l’année.
J’entrai
dans une bâtisse victorienne, une plate-forme sur le fleuve brouillé. Il y
avait à l’intérieur des photographies, des manuscrits, un journal sur la
Commune, une pipe de tabac jauni, une vieille godasse.
Enfin
un tapis poussiéreux qui ne datait pourtant que de mille neuf cent trente. Les
allées semblaient très larges entre ces objets enfouis dans du verre. Je me sentis mal à l’aise, comprenant que
Rimbaud n’aurait jamais pu vivre ici. A la limite, la visage de l’ouvreuse
était capable de l’attirer avec ses lèvres trop cerise. Mais à part ce détail
non négligeable, il ne s’agissait que d’une triste méprise.
Je
réalisai que l’ensemble de ce musée était mort et aussi les autres musées,
surtout ceux consacrés à la poésie. Puis, je voulus changer d’étage, couler dans une pirogue au fil de la Meuse,
la faire chavirer, attaquer le massif des Ardennes armé d’intentions mal
définies, ramasser des bolets et des amanites tue-mouche, monter descendre
monter jusqu’à l’épuisement total, traverser en diagonale un bar de mer sans
mer et sujet à la honte d’être si las, nourrir l’espoir de rencontrer enfin le
vrai Rimbaud, ni vieux, ni jeune.
A
peine un homme, plutôt un objet de rase campagne déterré pour la circonstance,
une sorte de phacochère hanté par le désir d’être beau ou bien une statue de
plâtre posée après les tranchées du côté des églises, en équilibre entre la vie
morte et la mort vivante, bref, quelque chose qui pue la terre mouillée.
Je
revivrais ensuite la véritable saison en enfer qui n’avait rien à voir avec
rien. Une saison dans laquelle le temps était soumis à toutes sortes d’injures.
P.M.
2 comments:
Très bel incipit:le climat de Charleville y est, tout y est...Il y a 30 ans j'y suis allé, ma femme voulait me quitter et en guise de cadeau d'adieu m'avait offert une tasse à café avec dessus le portrait connu d'Arthur et aussi le 'je suis jeune, tendez-moi la main'...Je n'avais pas envie de lui dire adieu, ni d'un café, ni d'un poème ni d'être ici ou ailleurs d'ailleurs, rien..
Je ne me reconnais pas derrière mon nom. Quand on m'appelle par ce nom, toujours un temps d'arrêt, une hésitation: est-ce bien moi celui-là…Et ce prénom, ai-je une tête à me prénommer ainsi! Mon nom me sonne creux.
En fait, je suis Arthur Rimbaud. Mais les autres ne veulent absolument pas l'admettre. D'abord, ils me trouvent moins beau que Rimbaud –les gens sont des salauds.
Ensuite, ils osent affirmer qu'il me manque le génie! Mais quel génie…Il est seulement beaucoup plus expérimenté que moi, Arthur, pensez, à 156 ans !
Il est mort. Et cela prouve quoi ? Qu’un génie mort fait de moi un con vivant?
-Il est mort jeune, lui.
Encore un reproche …
Fabrice
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