Mon corps est disloqué, je ne retrouve plus d’ensemble.
Dans le miroir bien sûr, il y a mon reflet, grimaçant, bluffant. Dedans c’est
un carnage. Comme un appartement mis à sac, un chien dans un jeu de quilles. Ça
sent la pisse et les sacs poubelle éventrés. Les mégots, le renfermé, le lourd.
Sauf que c’est comme s’il n’y avait pas de fenêtre, rien pour faire un courant
d’air. Je voudrais d’ailleurs partir en courant, mais on ne fuit pas son propre
corps, on le supporte. Il y en a qui donnent dans le tableau Excel pour
l’oublier, moi je n’ai jamais su faire. Le tableau m’angoisse, le chiffre me
fige. Il me fait la peau bien avant d’attirer une quelconque concentration de
ma part.
C’est arrivé hier soir, bien avant
l’aube. Au milieu des autres, à la faveur de la nuit. Je n’ai rien vu
venir, je dansais, je sentais. Les voix me galvanisaient, mes articulations
m’entrainaient. Je n’attendais rien, je ne voulais rien posséder, je quittais
juste le sol entre deux appuis et cela me suffisait. Puis une main est arrivée
et m’a tirée par la tempe. En un geste mon corps s’est laissé emmener et je me
suis collée à ce nouveau rythme. Des sensations le long de l’échine, une onde
que je n’avais pas vue venir.
Je me suis retenue, un peu, le temps
de le dire, le temps d’une cigarette. Puis il y a eu ses mains sur mon bassin,
sa voix, son sourire, son front contre le mien. Incongru, présent. J’ai dansé
encore. J’ai laissé les sensations me traverser, j’ai laissé la joie m’envahir,
sans raison.
C’est au petit matin, à l’heure du
sommeil qui s’est fait filament de non-sens que je me suis réveillée : j’étais
pillée.
(la phrase qui donne son titre au texte est empruntée à un chanson de Dominique A, Ce geste absent)
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