J’ai
longtemps cru à la crise. Voire à la pauvreté. J’y ai cru plus longtemps que les
autres. Heureusement : me voilà guéri. Car en me promenant dans la rue,
j’ai eu la révélation de ma vie. J’ai vu tous ces gens qui marchaient en
contresens (en fait, c’est moi qui marchais en contresens), pas avec des sacs
poubelle, non, mais avec des packagings arc-en-ciel, bref que des trucs
brillants. Et je fus obligé de constater que ces personnes fort élégamment
vêtues ne souffraient guère de la crise. Au contraire, elles semblaient satisfaites
de s’essayer des fioles de parfum en pleine rue. Le problème était juste
qu’elles manquaient de bras pour porter l’ensemble de leurs paquets. Et si
parmi ces passants, il y en avait quelques uns qui étaient dépourvus
d’élégance, ce n’était pas grave, car les marchandises l’étaient davantage
qu’eux. Et d’ailleurs, ils gloussaient plus fort que les autres !
En
vérité, je vous dis, nous sommes tombés dans une période d’universelle
abondance.
Alors,
il y a des mauvais bougres qui me diront : ça se voit que tu vis pas à la
campagne. Hélas, à la campagne, il n’y a plus personne, donc tout le monde s’en
fout. Et quand j’y vais, moi, je vois que des grosses bagnoles garées devant de
belles bicoques (quand elles ne sont pas abandonnées).
De
même, en ville, y compris pour ceux qui ne font rien, tout baigne. Les
terrasses des cafés sont remplies dès le printemps. Et les gens n’ont pas l’air
de souffrir. On a l’impression qu’ils dorment.
Que
dire aussi de ces centres commerciaux, gigantesques, toujours remplis, notez le
bien, de caisses ? Certes, leurs ronds points sont un enfer, mais il s’agit d’un
enfer de richesse. Tous ces panneaux, tout ce mobilier urbain, ça coûte et ça en
jette. Et s’agissant de la littérature, matez moi ces festivals. On y trouve
des bouquins partout et des écrivains, tous plus pros les uns que les autres. Le
monde entier est là, comme dans une vitrine.
Ainsi,
il apparaît que nous sommes pleins aux as. La preuve en est que nous créons
chaque jour des usines à gaz qui génèrent plein de clientèle.
Soyez
en heureux. Peu importe l’absence de liberté, du moment que vous êtes riches.
Alors,
bien sûr, il y a les SDF, puis les réfugiés. Mais eux, c’est différent, ils ne
savent pas vivre comme les autres, ils refusent de se gaver de soldes, et quand
ils sont dans la rue, ils se conduisent mal.
Donc,
en réalité, la misère demeure cette chose invisible.
P.M.
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