J’étais
assis tranquille à ma terrasse, en train de
lire une bande dessinée quand je l’ai vu débarquer dans sa vieille DS toute
pourrie…
« Salut mon vieux Vrap ! Je me suis dit que j’allais te rendre une petite visite de courtoisie Comme ça fait longtemps qu’on t’a pas vu, les copains et moi.
- Salut Bill ! Comment ça va ? Allez. Vas-y : assois-toi. Tu veux une fine ? Je t’en prépare une tout de suite…
- C’est pas de refus. Tu t’ennuies pas trop, depuis que tu t’es mis au vert ?
- Non, ça va, j’ai tout mon confort ici. J’arrose les cactus, je sucre les fraises et je bois de l’hydromel les dimanches.
- En fait, on s’est dit les po(è)tes et moi, que ptètre que tu serais intéressé par notre proposition. Voilà, on a une affaire qui marche pas mal, c’est not’ plus belle pouliche, une petite revue de poésie qui porte le doux nom de « Visions d’anorexie ». Le problème, c’est que son rédac chef a passé l’arme à gauche. C’est pour ça que je suis là aujourd’hui. Avec toi, on est sûr que « Visions d’anorexie » deviendra comme « Cognée sans manche » ou « Crève ou meurs » que tu as su faire vivre durant de nombreuses années, arrosant tes complices de publications multiples. On s’est dit aussi que ça te ferait du bien de voir du monde. Au lieu de rester tout le temps reclus comme ça…
- Ah non les mecs ! C’est pas vrai… Vous
allez pas me lâcher la grappe ! Ecoute, je vous ai déjà dit que je voulais
pas repiquer au trafic. La dernière fois que vous êtes venus me chercher,
c’était pour « Crève ou meurs » justement, et j’en ai pris pour
quinze ans. Et encore, j’ai eu droit à une libération conditionnelle parce que
la Ronéo est tombée en panne au 136e numéro. Sinon, j’y serais
toujours. Ah non merci ! Les courriers des (h)auteurs qui sont uniques au
monde alors qu’ils sont 65 millions ! Les tirages à 300 exemplaires et les
ventes à 100, avec le prix du millième auteur publié décerné par la ville
thermale de Gribouillis Les Dindes sans compter le billet de train qui n’est
pas offert !... Pardon, mais j’en ai assez chié comme ça. Et encore, ça
sera beau si à la première dictature, on se fait pas coffrer pour
l’exemple ! »
À lire dans mes yeux, Bill avait compris que j’étais plus qu’un cave. Quand je l’ai vu repartir, j’ai quand même eu pitié de lui pendant un instant. Je l’avais déjà vécu à plusieurs reprises, son rêve de poésie.
Bill se rendait pas compte qu’il avait attrapé le virus et qu’un jour, il finirait, comme d’autres poteaux avant lui, complètement raide devant un manuscrit impubliable. Et dire qu’une fois mort, les autres trouveraient encore le moyen de lui tresser des couronnes en papier au lieu de verser une pension à sa veuve…
P.M.
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