Emails
Perte d’érotique
Disparue ce
vêtement moulant, l’enveloppe, promesse que l’on décachetait comme on dégrafe
une robe. Cette pudeur à se livrer enflammait l’imagination. Loin de cet
érotisme, main au panier rapidement promise à la corbeille, le mail ne compte
pas fleurette. L’excitation du retournement de ce fourreau pour découvrir le
nom de l’émissaire, le temps que l’on mettait à vagabonder avant de consommer
s’éteignent. Le mail, pornographe, ne remet pas à plus tard. Du texte, il livre
la chair nue.
Perte de gestes et
d’atours imposée par une dictature, dont la police chasse cette
manifestation des émotions : la calligraphie. La texture et le maniement
de l’enveloppe sont quant à elles mises à un index tapotant hystériquement sur
le clavier.
Impossible de
« refaire le trajet de la main qui a écrit »[1]
le texte. Les hésitations et les imperfections sont cachées par cette chirurgie
esthétique : retours en arrière dont rêveraient bien des peaux avachies,
corrections orthographiques ou grammaticales, propositions de synonymes qui
donnent à une pensée molle une convenance à peu de frais. La rature, histoire
d’une émotion et d’une raison en marche, nécessitait bien du courage.
L’imaginaire n’a pour matériau que le nom de
l’expéditeur et le sujet, permettant avant tout de savoir ce que l’on met à la
poubelle. L’ancien lecteur est devenu éboueur.
[1]
Roland Barthes, L’empire des signes
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