Devenir un
héros ? Fallait bien qu’un jour, cette idée-là me vienne à l’esprit.
Manquait plus que ça. Car en réalité, je n’aime pas trop ce terme. Cela suppose
des circonstances exceptionnelles, et pour ainsi dire, une guerre, qui peut
entraîner, dans les meilleurs des cas, la mort. En voilà du prétentieux, une
sorte de mauvais film commercial, comme il en passe tant à la télé. Chemin tout
tracé pour des larmes faciles...
Devenir
un héros, c’est profondément ringard, conservateur au possible. Dans une
société qui serait égalitaire, il n’y aurait pas besoin de héros. Non,
franchement, ça me fout la honte plus qu’autre chose.
Et
pourtant ? Je devrais peut-être passer le concours de héros. Il faut voir
ce qu’on gagne à la fin. Une médaille ? Ou plutôt la paix qu’on vous fouterait,
enfin ? Je n’y crois guère. Faut pas rêver, non plus ! Ça serait trop
beau. Ou alors, il s’agirait d’une promotion placard.
Il
n’empêche. Après des années à traîner mes guêtres, je commence à me dire que ce
n’est pas quelque chose hors de ma portée. D’ailleurs, les récits dans les
médias de celles et ceux qui ont connu cette destinée d’exception le montrent assez :
c’est tellement naturel de devenir un héros qu’on ne s’en rend même pas compte.
Et quand on réalise qu’on en est un, c’est qu’on a cessé de l’être.
Alors
quoi ? Est-ce que je me la raconte, soudain ?
Non, pas
tant que ça. Pour devenir un héros, il faut et il suffit… de faire son boulot.
Vous m’objecterez : mais tout le monde fait son boulot. Euh non, pas
vraiment. Moi, je vois beaucoup de personnes dont je ne sais toujours pas, malgré
des observations répétées, ce qu’elles font de leurs journées. Et lorsqu’elles
ont un boulot, je ne les vois pas beaucoup en train de trimer. On les surprend
plus volontiers à casser les pieds avec la bouche à celles et ceux qui essayent
d’accomplir leur mission. Tout l’opposé de l’héroïsme. Du coup, je me dis, si,
devenir un héros, c’est ne faire que son boulot, j’ai sûrement de réelles
chances d’y parvenir.
Certes,
il s’agit encore de viser juste. Faut pas se planter. Faire son boulot peut aussi
provoquer des catastrophes. Et là, soudain, la publicité n’est plus du tout la
bonne.
Bref, je crois qu’il vaut mieux que j’oublie ce truc. Je m’en souviendrais bien assez vite, à l’instant où la maison brûlera. Et ce jour-là, à tous les coups, je serai le premier à m’en extraire en courant.
P.M.
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