Saturday, January 30, 2021

Incipits finissants (94)

Il y a toujours quelque chose qui me fait sortir du silence pour écrire. Sauf que cette fois-ci, c’est le silence qui me fait parler.
Je m’explique. Nous vivons une époque historique, je sais pas si vous en avez conscience. Ah ça oui !
Avec l’épidémie de COVID, on dispose d’un virus pas très original, puisqu’il se communique par les postillons, mais qui est très contagieux. Et les postillons, c’est quand on parle. Du coup – vous me suivez – pour qu’il ne se propage pas, il ne faut pas causer dans les lieux publics. En revanche, il convient plutôt d’interagir avec les autres. Interagir, quel beau mot. L’’un des plus magiques de ces derniers temps.
Ce sont des scientifiques qui ont eu cette idée lumineuse. Des scientifiques, vraiment ? Des experts, en tout cas. Il y en a beaucoup, des experts, en général, et encore davantage, en ce moment, dans le domaine médical.
Faut dire qu’il s’agit avant tout d’une affaire de bon sens. Si on reste silencieux dans les lieux publics, on limite les postillons.
Ça, c’est une idée logique qui va plaire aux politiques. Car, c’est bien connu, les politiques aiment ce qui est logique pour leurs ouailles. Du coup, le virus se révèle tout à fait pratique…
Pour protéger les autres, il ne faut pas communiquer avec eux, sauf par Internet. Et si t’as pas Internet, il faut plus communiquer.
Finies les manifestations, finis les syndicats. Finis tous ces gens qui gueulent tout le temps en postillonnant sur leurs semblables ! Quand on est silencieux, on peut se concentrer sur son travail. Tant pis pour celles et ceux qui n’en ont pas. Qu’ils se cousent le visage. On ne perd plus de temps pour des choses inutiles, puisque c’est mauvais pour la santé. Et quand on est un adulte responsable, on pense à ne pas filer sa maladie aux autres... Bravo ! Enfin, le français n’est plus un français. Il a terminé de gueuler. C’est un ptit gars correct, qui a tout compris ce qu’il fallait comprendre.
Du coup, je n’ai plus rien à dire. L’histoire est finie. La mienne et celle qui a un grand H. Je vais pouvoir retourner à mon silence. J’ai plus qu’à attendre que le Système (s’il en a envie) vienne me prendre en charge, tel un enfant.
C’est marrant tout de même comme les gens changent quand ils sont confrontés à un problème qui les dépasse…       
P.M.         
 

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