Depuis trente-cinq ans de pratique régulière de la poésie, j’écris avec davantage de sûreté, sans m’être imposé cet objectif, sinon il y a longtemps que je ferais autre chose. Même si mes poèmes ne sont pas faciles d’accès, leurs transitions sont moins abruptes qu’au début et donc, ils se lisent mieux.
Et sans plus le vouloir, j’ai fini par acquérir une oreille musicale. N’allez pas dire que la musique n’est pas importante quand on écrit de la poésie (chez pas mal de poètes, on se le demande tout de même !), moi qui écoute des tonnes de sons, dès que j’en ai l’occasion.
J’ai aussi appris à plier mon écriture à des
contraintes variées, en fonction du sujet que je souhaite évoquer et de
l’ambiance que je veux y mettre, tour à tour, plus grave ou plus ironique, plus
élégiaque ou plus réaliste.
À cet égard, quelques lecteurs (pas beaucoup,
car la poésie s’écrit davantage qu’elle ne se lit, et pas seulement la mienne),
m’ont félicité pour la justesse de mes textes, ce qui constitue un faisceau
concordant d’indices allant dans le bon sens.
Ça sent trop le panégyrique depuis le début,
tout ça, n’est-ce pas ? Eh bien, ça va pas durer ! Car voilà, cette fabrique
qui tourne bien grosso modo, n’est-elle pas devenue malgré tout une belle usine
à gaz ? Je m’explique sur ce point.
Le monde alentour a évolué plus vite que mon
apprentissage de l’écriture l’exigeait. Ainsi, au moment où je parviens à
maîtriser, dans les grandes lignes, une mécanique complexe, celle du style,
cette écriture arrive dans un environnement qui s’est accéléré de manière
durable, à cause essentiellement d’Internet. Et dans ce monde malgré tout pas
si nouveau que cela dans ses intentions profondes, tout concourt à la
simplification des moyens d’expression, La recherche me semble ailleurs :
du coup, dans les moyens techniques employés pour les produire.
Bref, c’est patatras qu’il me faudrait faire
pour toucher plus de personnes. Rien ne sert d’orchestrer des symphonies d’une
heure trente, quand un rap de trente secondes procure davantage d’émotions dans
la tête de la plupart des gens.
Et là, je n’ai plus besoin de parler de
moi-même, mais de tout plein de poètes qui feraient mieux de remballer leur
énergie pour quelque chose de moins vain. Depuis
longtemps, cette possibilité aurait dû être envisagée.
Permettez-moi de semer cette graine de doute dans votre esprit.
P.M.
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