La ligne éditoriale. Voici longtemps qu’elle me
taraude, celle-là. Cependant, rien à faire : je ne m’y habitue pas !
Car cela ne me semble pas significatif pour la publication d’un texte. Et
surtout, je trouve qu’il y a beaucoup d’hypocrisie là-dedans. Bien sûr, la
ligne éditoriale fait vendre. Il est plus facile de fidéliser des clients quand
des choix identiques sont reconduits par les éditeurs : de quoi se
demander si la nullité ne disparaîtrait pas derrière la répétition ?...
Tandis que sans fil
conducteur apparent, les pistes sont brouillées. Nos lecteurs ne savent pas,
lors de chaque nouvelle parution, sur quel pied danser. À chaque fois, il faut
recommencer de les séduire.
Hélas, je suis persuadé
que, derrière le primat accordé à une sélection drastique, se cache
l’étroitesse d‘esprit d’un éditeur qui n’aime, en fin de compte, qu’un style
unique.
S’il avoue ne pas apprécier
grand-chose de la production pléthorique actuelle, donnant ainsi dans
l’élitisme, le voilà qui se place d’emblée au-dessus de la mêlée, tel un juge
arbitre du présent. Du coup, son voisin, afin de ne pas être en reste, peut agir
de manière équivalente et ne pas le concurrencer, grâce à une marotte aux
antipodes de la sienne, autant valable ! Absurde !
À l’inverse, en aimant
tout, on n’aimerait que l’usuel à la mode. Un tel manque de pouvoir sur les
circonstances sied mal à un esprit brillant livré avec ses idées fixes, si
possible accompagnées de préjugés obligatoires.
Bref, l’enthousiasme de
l’amateur ne colle pas avec le sérieux d’une entreprise, ou bien l’éditeur
effectue du négoce de livres comme s’il s’agissait d’autos en miniature !
Enfin, à y regarder de plus
près, l’objet d’une passion serait difficile à définir, se résumant vite à des
formules formalistes (« travail sur le langage ») ou
pseudo-libertaires (« je publie ce que je veux »). Ainsi, à
l’arrivée, derrière la ligne éditoriale émerge… sa pauvreté.
Pour ma part, au Citron
Gare, je m’efforce d’éditer, depuis une dizaine d’années, non pas celles et
ceux qui écrivent de telle ou telle manière, mais qui écrivent bien, programme
plus ambitieux.
Quant à
« Traction-brabant », pour ses vingt ans d’existence, j’aimerais
continuer à dénicher de nouveaux talents, m’excusant par avance, auprès de
certains(e)s, de la modestie de mes ambitions !
P.M.
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